Le suspens est rompu. Le général Abdel Fattah al Sissi, président du Conseil suprême des forces armées égyptiennes, a fait acte de candidature à la présidence de l'Egypte. Les "si le peuple le lui demandait" et "si l'armée le soutenait" sont juste des précautions de sémantique, tant il était évident qu'après avoir chassé le président islamiste Mohamed Morsi qui imposa à l'ouverture de l'Egypte post-Moubarak un autre pouvoir pharaonique, qu'il a tenté de plomber par l'application de la charia, l'homme fort du pays n'avait pas pris la décision d'ouvrir la guerre totale contre l'islamisme politique pour offrir le pouvoir à une tierce personne. Jusqu'ici, sa candidature avait été annoncée par des milieux et personnalités proche de la hiérarchie militaire. Le général n'a pas démenti, certainement pour jauger sa popularité, gagnée le 3 juillet 2013 lorsque, répondant au raz-de-marée de manifestations contre Morsi et ses Frères de la confrérie d'Al-Banna, il a divorcé brutalement avec l'islamisme. Al-Sissi n'a orchestré son coup d'Etat qu'assuré du soutien bien sûr de l'armée dont il était ministre de la Défense mais aussi et surtout de l'emblématique place Tahrir qui avait chassé Hosni Moubarak. Trois mois avant le coup d'Etat, l'Egypte avait renoué avec la révolution contre sa mainmise par les Frères musulmans, donnant pour ainsi dire sa légitimité à l'intervention de l'armée. Et tout de suite, l'opinion égyptienne a vu dans le "casseur" des islamistes, le candidat idéal au poste de Chef de l'Etat. Les propos de samedi du général sont les plus clairs qu'il ait prononcés à ce jour sur le sujet. Dans la pure tradition de militaires au pouvoir ou briguant celui-ci, al-Sissi a confirmé son ambition lors d'un séminaire organisé par l'armée au Caire. Et il ne s'est pas embarrassé pour annoncer qu'il sera candidat avec "un mandat de mon armée". Faudra-t-il comprendre qu'à ses yeux, le passage par les urnes n'est qu'une formalité pour sacrifier à la démocratie ? Sans chercher à en saisir les nuances, les pouvoirs en Egypte, hormis l'année de parenthèse de Morsi dont le parti avait raflé la mise de la révolution contre le régime de Moubarak , grâce, nous le savons, aux jeux du Qatar et à la bienveillance de capitales occidentales qui elles étaient persuadées pouvoir éradiquer l'islamisme radical par un autre islamisme "soft", celui des Frères musulmans vieux d'un siècle, sont restés entre les mains des militaires depuis Gamal Abdenasser, un colonel arrivé à la tête du pays sur un coup d'Etat fomenté par des "Officiers libres". Pour lui succéder l'armée avait choisi encore un des siens : Anouar Sadate, général, chef d'état-major. Celui-ci sera assassiné en 1978 par des soldats islamistes, en réponse à sa signature des accords de Camp David, interprétée par les islamistes comme une capitulation devant Israël. Et Sadate sera remplacé par le général Moubarak, chef d'état-major qui se fera élire président de la République. Les acteurs de la révolution du Nil pensaient en avoir fini avec ce sui generis militaire mais l'intermède islamiste ramènera l'armée au premier plan. Celle-ci qui détient la réalité du pouvoir depuis juillet 2013, semble faire l'unanimité pour son retour aux affaires. Dans une interview publiée le jour de l'annonce par al-Sissi de se porter candidat à la présidence de la République, le président de l'Assemblée qui a élaboré le projet de nouvelle Constitution, Amr Moussa, a dit s'attendre à ce que le général présente sa candidature "en réponse à une demande populaire en ce sens". La messe est dite selon l'ex-secrétaire général de la Ligue arabe et candidat malheureux contre celui des islamistes, Mohamed Morsi : "Nous devons écouter une opinion publique qui réclame cet homme, et c'est comme un mandat donné à celui-ci. C'est ainsi... La population dit qu'elle veut al-Sissi et nous devons nous ranger à cet avis". Si le général al-Sissi jouit d'un fort soutien dans la population, pour une bonne partie satisfaite du coup d'arrêt porté au pouvoir islamique des Frères musulmans, il est honni par les partisans de Mohamed Morsi, qui voient en lui le cerveau du coup de force du 3 juillet dernier. Les Frères musulmans accusent les militaires d'avoir organisé un véritable coup d'Etat et manifestent régulièrement pour réclamer le retour au pouvoir de Mohamed Morsi mais plusieurs milliers de membres du mouvement islamiste ont été arrêtés ces derniers mois. D. B Nom Adresse email