Aujourd'hui, l'heure est grave, car ce fléau ne s'encombre pas du sexe de ses victimes et touche toutes les catégories sociales, plus particulièrement les femmes et les enfants. L'Algérie est confrontée à un sérieux problème d'obésité. Avec ses six millions d'obèses, l'Algérie est devenue le pays à la fois qui compte le plus de personnes affectées par cette «maladie chronique» au niveau du Maghreb et qui occupe la troisième place à l'échelle nord-africaine. En juin dernier, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a révélé que sur les 6 millions d'obèses algériens, 17,5% sont des adultes et 15,9% des enfants. Plus récemment, une étude britannique menée par The Overseas Development Institute (ODI) s'inquiète de l'explosion du nombre de personnes obèses ou en surpoids dans le monde, en précisant toutefois que les pays en développement (Algérie comprise) comptabilisent à présent des "taux de croissance de l'obésité et du surpoids (...) alarmants". D'après l'enquête de ODI, le nombre de personnes en surpoids et d'obèses dans ces pays est énorme : entre 1980 et 2008, il a presque quadruplé, passant de 250 millions à 904 millions de personnes. Les femmes et les enfants d'abord ! Qu'en est-il de notre pays ? En Algérie, de plus en plus de médecins et de spécialistes s'accordent à dire que la courbe de l'obésité est ascendante. Plus de 6 000 morts sont recensés quotidiennement, dont la première cause est l'obésité, soutiennent-ils, en précisant que l'obésité est à l'origine de plusieurs autres maladies, non seulement cardiaques et respiratoires, mais aussi de la dépression, l'arthrose et certains cancers. Aujourd'hui, l'heure est grave, car l'obésité ne s'encombre pas du sexe de ses victimes et touche toutes les catégories sociales, plus particulièrement les femmes et les enfants. Les statistiques de l'OMS indiquent que plus de 53% des Algériennes (soit plus d'une femme sur deux) sont obèses ou en surpoids contre 36 % pour les hommes. De son côté, la FAO atteste que 15,9 % des enfants algériens sont touchés par ce fléau. Il y a quelques mois, des spécialistes ont révélé que l'obésité constitue une des causes de l'hypertension en Algérie, laquelle s'observe chez les jeunes enfants. Selon eux, cette maladie favorise les maladies des gencives et pourrait, lorsqu'elle est sévère, provoquer des apnées du sommeil et des pathologies orthopédiques. Même les pédiatres avouent franchement que les enfants, reçus en consultation ces dix dernières années, ont un problème d'excès de poids, alors qu'ils souffraient, auparavant, de malnutrition. D'après eux, l'obésité infantile est liée en grande partie aux changements de comportement alimentaire, mais aussi au manque d'activité physique. Nouvelle traversée et transition épidémiologique L'Algérie vit une transition épidémiologique avec une prévalence de l'obésité. Avec l'avènement de l'économie de marché, les citoyens ont adopté de nouvelles habitudes alimentaires (fast-foods, chips, popcorns, frites, garantita, sodas, crèmes glacées...), qui les exposent aux «pathologies des temps modernes», dont l'accumulation abusive de la graisse corporelle. En 2005, une enquête menée par l'Institut national de santé publique (INSP), à Mostaganem et Sétif, a montré que plus de la moitié de la population, âgée de 35 à 70 ans, était en surpoids (55,9%). Quant à l'obésité globale, elle représentait une proportion de plus de 21% et touchait surtout les femmes. Une année plus tard, une étude nationale sur la population et la santé menée par l'Office national des statistiques (ONS) et le ministère de la Santé a indiqué que le taux d'obésité avait atteint les 22%, où les femmes étaient les plus exposées à la prise excessive de poids, surtout à l'approche de la ménopause. Concernant les enfants de moins de 18 ans, le taux de leur surpoids était seulement de 9%. En 2008, une étude régionale, réalisée dans 21 écoles de la commune de Bouzaréah (Alger), par une équipe médicale, a révélé que 19,8% des enfants présentaient un surpoids, soit un enfant sur 6, dont 22% de filles et 17% de garçons. Côté obésité, celle-ci a été recensée chez 5% de filles et 6% de garçons. L'enquête a mis en exergue l'absence d'infrastructures sportives dans les écoles, révélant dans le même temps que seulement 30% des élèves pratiquaient des activités sportives extrascolaires. De plus, l'équipe médicale avait retenu combien les citoyens étaient ignorants en matière de nutrition. Au dernier trimestre 2013, une autre enquête a été réalisée, par une équipe de médecins, dans des établissements scolaires à El-Harrach (Alger). Celle-ci a montré que 17 % des filles sont obèses contre 16 % chez les garçons. L'étude menée à El-Harrach a fait état de l'apparition de maladies dont le diabète et les caries dentaires. Elle a également dévoilé que 50 % des enfants interviewés mangent dehors, que 70 % consomment des produits sucrés et que 30% des filles contre 27% de garçons ont une préférence pour la pizza. Dans la même période, une autre enquête a été initiée, une «enquête préliminaire» dans des établissements scolaires d'Oran, qui a montré que 21% des élèves ont un surpoids (dont près de 4 000 enfants obèses dans le seul cycle primaire) et 18% présentent un retard staturo-pondéral. En prévision d'une stratégie nationale de lutte contre l'obésité et l'établissement d'un «registre national» de ce phénomène, des professionnels de la santé se sont impliqués également, en s'intéressant de plus près aux industries agroalimentaires et en démontrant la responsabilité de ces industries dans «la manipulation» des consommateurs. D'autres médecins, préoccupés par la montée de la prise de poids chez les enfants et les adolescents, ont initié à leur niveau des recherches pour mieux comprendre la relation entre l'obésité et la malbouffe. Il y a quelques jours, Dr Djamed-Eddine Oulmane, médecin à l'INSP, s'est longuement étendu sur le «nouvel» environnement, sans cesse agressé par des affiches et des spots publicitaires qui, à longueur de journée, flattent la consommation d'une nourriture des plus déséquilibrées. Invité au forum de DK News, ce dernier a appelé les médias à être "offensifs" et ce, d'autant que "le surpoids, puis l'obésité, finissent par entraîner à la longue des maladies chroniques très graves, qui mènent vers la mort précoce." Plus loin, l'intervenant, scandalisé par la flambée des prix de produits, figurant il n'y a pas si longtemps parmi les produits de première nécessité (notamment le lait et les légumes secs), a fustigé l'Etat et son recul marqué dans le "contrôle" et la "régulation"», alors qu'il est "le premier responsable", selon la Constitution, du bien-être et de la santé des Algériens. Avant d'inviter les pouvoirs publics à engager "une véritable politique d'une alimentation saine." M. Oulmane a en outre estimé qu'un peuple bien informé des dangers de la surcharge pondérale saura y faire face pour venir à bout de ce fléau. Un avis partagé pas bon nombre de médecins et de spécialistes, même ceux qui voient toujours d'un mauvais œil "les mauvais choix pris par les dirigeants dans les domaines socioéconomiques." H. A. Nom Adresse email