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Le nutritionniste Hamid Brahimi à "Liberté"
"Les Algériens mangent beaucoup et leur alimentation est très déséquilibrée"
Publié dans Liberté le 26 - 01 - 2014

Hamid Brahimi, médecin-acupuncteur, est diplômé en nutrition et diététique médicale et de diabétologie. Il est aussi diplômé de l'Ecole française d'acupuncture (Paris) et de l'Académie de médecine chinoise (hôpital Guang An Men. Beijing). Auteur de plusieurs publications et d'un livre sur l'acupuncture, Dr Brahimi vient de sortir un nouvel ouvrage intitulé L'essentiel de ce que vous devez savoir sur l'excès de poids. Apprendre à le contrôler, aux éditions Casbah. L'essai apporte un nouveau regard sur la problématique de la prise en charge de l'obésité et donne l'essentiel de ce que nous devons savoir sur la surcharge pondérale et les voies à suivre pour y remédier : bien maigrir et conserver son poids de forme dans la durée. L'auteur s'appuie sur sa propre expérience, en particulier celle qui consiste à utiliser l'acupuncture, en plus de la rééducation alimentaire dans la prise en charge des obésités. Le livre de Dr Hamid Brahimi a été nominé récemment pour le prix du festival mondial du livre culinaire (world cookbooks awards), dans la catégorie "Best Health and Nutrition".
Liberté : Avec 6 millions de personnes en surcharge pondérale, l'Algérie est considérée comme le pays qui a le plus de personnes obèses au Maghreb. Ces chiffres vous choquent-ils ou confortent-ils votre diagnostic ?
Dr A. H. Brahimi : Ces chiffres confortent parfaitement ce que nous observons dans nos consultations quotidiennement. L'obésité est en train de prendre des proportions alarmantes qui risquent de s'accentuer davantage si on ne fait rien. Aujourd'hui, les Algériens ne souffrent plus de carences nutritionnelles ; bien au contraire, ils mangent beaucoup et leur alimentation est très déséquilibrée... il y a beaucoup de gras et de sucres...
Le déséquilibre alimentaire conjugué à une sédentarité de plus en plus importante ont fait que, globalement, la population a pris du poids.
Il faut signaler tout de même que le phénomène de l'excès de poids touche beaucoup de monde. L'obésité est devenue la première maladie non infectieuse de l'histoire. C'est une véritable épidémie qui frappe aussi bien les pays industrialisés que les pays émergents, et l'Algérie n'échappe pas au phénomène.
D'où nous viennent les nouvelles habitudes alimentaires ? Considérez-vous l'obésité et cette façon de manger trop et très mal comme un signe d'opulence, de pauvreté ou plutôt comme un signe de grand malaise propre à la conjoncture que nous traversons, localement et mondialement ?
Les mauvaises habitudes alimentaires sont liées le plus souvent au mode de vie qui a changé. Les facteurs socioculturels ont une très grande influence sur ce que les gens mangent.
Les avantages nutritionnels des habitudes alimentaires traditionnelles ont malheureusement cédé le pas aux nouvelles habitudes alimentaires nocives pour la santé.
Nous mangeons trop de protéines d'origine animale (viandes) et pas assez de protéines d'origine végétale (légumineuses), trop de lipides (viande, fromage, viennoiseries..), trop de sucres simples (boissons sucrées, gâteaux..), pas assez de sucres complexes (céréales, légumes secs, pomme de terre...).
Souvent, pour des raisons professionnelles ou scolaires, les personnes mangent mal. Elles sautent parfois le repas du matin, mangent trop vite à midi, souvent dans des fast-foods une alimentation trop riche en gras, en sucre et en sel. De plus, la société a évolué et les périodes sédentaires sont nombreuses. L'ordinateur, la télévision et les consoles de jeux ont augmenté la sédentarité et donc l'obésité. Manger trop et très mal peut être lié à l'opulence, mais également à la pauvreté.
Les calories "bon marché", c'est le sucre et le gras, et c'est précisément ces nutriments qui font grossir.
Le stress fait également grossir puisque, très souvent, il incite à manger et c'est surtout les sucrés qu'on consomme (chocolat par exemple).
La conjoncture, aussi bien locale que mondiale, est souvent génératrice de stress. En fait, plusieurs facteurs concourent à l'éclosion de l'obésité.
Des médecins imputent aux industriels de l'agroalimentaire la responsabilité de la propagation de l'obésité, en leur reprochant de manipuler les consommateurs et de les rendre dépendants de certains produits. Partagez-vous leur avis ?
L'industrie agroalimentaire a indéniablement sa part de responsabilité dans la propagation de l'obésité.
Son seul souci est de pousser à consommer toujours plus. Elle n'hésite pas à abuser des ingrédients qui flattent le goût en augmentant la saveur sucrée, salée et le gras.
Ces saveurs donnent plus envie de manger et poussent à plus de consommation. L'industrie agroalimentaire, avec son harcèlement quotidien à coups de publicités quasi quotidiennes dans tous les médias, est arrivée à conditionner les consommateurs, en leur inculquant de mauvaises habitudes alimentaires.
Les enfants en sont les premières victimes malheureusement...
L'obésité est une grave pathologie, devenant un véritable problème de santé publique. Les Algériens en surpoids sont, en effet, plus exposés à certaines maladies, comme les maladies cardiovasculaires, cardiaques et respiratoires, le diabète, la dépression, l'augmentation du taux de cholestérol dans le sang, voire l'hernie discale. Les enfants obèses risquent même l'hypertension. Face à ces menaces, l'Algérie s'est-elle dotée d'une politique nationale pour venir à bout de ce fléau ?
L'obésité "pèse lourd sur la balance" de la santé. Parmi les 10 premières causes de décès, 5 d'entre elles peuvent être aggravées par une surcharge pondérale. Les autorités sanitaires tiennent compte du phénomène de l'obésité depuis plusieurs années, car il s'agit d'un problème de santé publique.
Il est pris en charge au même titre que toutes les maladies non contagieuses. Mais nous, en tant que médecins, avons-nous les moyens d'une prévention à grande échelle pour lutter contre les mauvaises habitudes alimentaires ? Surtout lorsqu'on constate la présence quasi quotidienne d'annonces publicitaires émanant de l'industrie agroalimentaire, qui poussent à consommer toujours plus.
Pour se prémunir contre les dangers de l'obésité qui guettent nos enfants, il faudrait un véritable plan d'éducation nutritionnelle et je garde l'espoir qu'il puisse se généraliser à toutes les écoles, les cantines scolaires et dans tous nos médias.
Les habitudes alimentaires pourraient alors changer et l'obésité reculer, comme cela commence à se dessiner dans certains pays.
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