La tension sur le lait, aliment de base pour la majorité des Algériens, semble s'installer durablement sur le marché. La convergence de facteurs objectifs, exogènes et endogènes peut effectivement conforter le ministère du Commerce dans son approche de cette question d'une extrême sensibilité. Au plan externe, les perturbations du marché mondial de la poudre de lait, avec une envolée des cours de ce produit (+4% en 2013 par rapport à 2012), s'expliqueraient, selon des spécialistes de cette filière, par une baisse de la production des grands producteurs internationaux pour des causes naturelles telles que les incendies en Australie et dans certains pays d'Amérique du Nord et du Sud, le réchauffement climatique... À cette baisse de la production mondiale, vient s'ajouter l'entrée en force de la Chine sur le marché international par l'achat massif de la poudre de lait pour répondre aux besoins de ses populations. S'agissant des causes internes, les dysfonctionnements apparus ces derniers temps sur le marché national, avec une tension particulière sur le lait en sachet, compte tenu de l'augmentation des prix du lait en boîte et le glissement des consommateurs vers le sachet à un coût abordable, mettent en évidence des causes apparentes sans pour autant expliquer la réalité. Curieusement, cette tension semble circonscrite surtout autour de la capitale et ses environs ainsi que dans quelques contrées de l'ouest du pays. Plusieurs raisons sont avancées. Nonobstant la non maîtrise des circuits et mécanismes de distribution par la puissance publique, le "détournement" de la poudre de lait par certains producteurs de produits dérivés à forte valeur ajoutée (yaourts, fromages, beurre...) que l'enquête diligentée par le ministère du Commerce semble infirmer, l'inquiétude monte chez les producteurs privés de même que chez les consommateurs. "Lors de l'assemblée extraordinaire du Comité interprofessionnel du lait (CIL), tenue récemment à Alger, les producteurs privés pensent qu'il y a de gros bonnets qui préparent des lignes de conditionnement de lait en boîte, et il semble que nous sommes les derniers à avoir pris connaissance d'un processus vraisemblablement déjà en marche... Nous pensons que la décision du Premier ministre de passer au conditionnement du lait en boîte dans un délai de 3 mois n'est pas fortuite... On comprend par là que cette démarche a été réfléchie il y a bien longtemps et qu'il y en a qui se préparent pour se partager le marché une fois que nos unités disparaîtront". Par ailleurs, nous avons appris par une source autorisée, qui souhaite garder l'anonymat, que le prix du sachet de lait reconstitué demeure à 25 DA. C'est Colaital qui le conditionne. Le lait cru de vache, production algérienne, collecté par les laiteries chez les producteur privés, est vendu entre 45 et 50 DA (cas de la laiterie de Tlemcen). Quant à Colaital, un sachet de lait reconstitué pose un problème de rentabilité pour l'entreprise, donc un déficit (d'autant que le conditionnement en sachet engendre beaucoup de pertes) contre lequel les syndicalistes s'insurgent. Pour ce qui est des contraintes de distribution, notre interlocuteur estime qu'il faut remonter au temps de la restructuration des entreprises, où les unités de distribution de l'Onalait ont été cédées aux anciens travailleurs. Ces derniers, forts de leur expérience et de leur parfaite connaissance des circuits de distribution ont fini par "avoir pignon sur rue". Notre source recommande un retour des entités publiques, sous des formes adéquates à la production des produits dérivés du lait (yaourt, fromage blanc et autres...) ainsi qu'à une mise à niveau des entreprises et unités de production, qui doivent se préparer, moyennant l'acquisition d'équipements adaptés, au conditionnement en boîte, pour contrecarrer les monopoles de fait et réduire la pression sur le lait. À la question de savoir combien coûtera le prix du litre de lait, Abed Labri, membre du CIL et producteur privé, pense que "tout dépendra du niveau de la subvention de l'Etat. Le pack en carton vide coûte entre 13 et 18 DA. Actuellement, l'Onil achète le kilo de poudre de lait à 500 DA sur le marché international et le cède aux unités de transformation publiques et privées à 159 DA. Pour un litre de lait, il faut un taux d'intégration de poudre de 103 g. Ce qui revient à 16,5 DA rien que pour la matière première. Si l'on ajoute les charges d'exploitation qui tournent autour de 7,5 DA et la marge de bénéfice qui varie entre 5 et 10 DA, le produit fini sera cédé aux consommateurs au prix de 45 DA au minimum". A. H. Nom Adresse email