Selon les oncologues et l'association Amel, le "Plan cancer 2015-2019" n'est pas à la hauteur des attentes des gens du métier et des besoins des patients. Il ne contient que des recommandations vagues. Il est ainsi loin du Plan cancer français, qui a détaillé, en deux actes, les opérations y afférentes. Le Forum d'El Moudjahid a invité hier deux oncologues, les professeurs Bouzid et Bendib, ainsi que la juriste, Me Benbraham, pour débattre de la problématique de la prise en charge du cancer en Algérie. L'association Amel d'aide aux personnes atteintes du cancer du Centre Pierre et Marie-Curie est l'initiatrice de ce débat qui s'est articulé autour de l'appréciation des professionnels de la santé sur le Plan cancer. Ce document, élaboré par le professeur Zitouni, en concertation avec les praticiens et le mouvement associatif, a été remis, il y a quelques semaines, au président de la République. Les officiels l'ont présenté alors comme un outil de travail idéal qui règlerait efficacement le dysfonctionnement du système de santé en la matière. Visiblement, la version finale de ce plan est loin d'être à la hauteur des attentes des gens du métier et, par ricochet, des besoins des malades. "Le Plan cancer n'est pas ce qu'il devait être." Telle est l'appréciation des Pr Bouzid et Bendib, ainsi que des animateurs de l'association Amel. L'on admet que le constat reflète fidèlement la situation qui prévaut dans le pays. Il n'en demeure pas que le chapitre consacré aux propositions est plutôt vide. "Le plan n'est pas détaillé. Il ne contient que quelques recommandations, sans aucune proposition concrète", a regretté une responsable de l'association. Elle a précisé que le document, formulé en Powerpoint, se décline en 21 slides. Les Plans cancer français I et II détaillent, dans plus de 500 pages chacun, toutes les opérations et les actes afférents à la prise en charge de cette maladie et sa prévention. Il est dit que la copie diffusée par le Pr Zitouni fait référence, en préambule, à une "évaluation du Plan cancer et suggestions pour son amélioration". "À notre connaissance, aucun plan cancer n'a jamais été mis en place concrètement : aucune annonce officielle n'en a été faite, aucune personnalité (scientifique ou autre) n'a été chargée de le coordonner, aucun changement de fonctionnement n'est intervenu grâce à ce qu'on pourrait appeler un Plan cancer", a relevé l'association Amel. Aussi bien le Pr Bouzid que son collègue Bendib ont estimé que ce volet ne peut s'améliorer sans refondation profonde du système de santé. Une refondation qui passe nécessairement par la révision de la loi sanitaire, complètement obsolète car datant de plus de trente ans. Me Benbraham a axé son intervention sur les droits des malades, souvent bafoués par le manque de moyens des centres hospitaliers, le laxisme des pouvoirs publics et l'absence de conscience professionnelle chez une frange des personnels médical et paramédical. "Souvent, quand une femme est atteinte de cancer, son mari s'en sépare et préfère se remarier", explique l'avocate, qui incite les femmes victimes de divorce à demander des dommages et intérêts à leur conjoint, rappelant que la loi les protège et leur donne entièrement raison dans ce genre de situation. Au-delà des paroles et surtout de plans qui resteront vraisemblablement de l'encre sur du papier, la réalité des personnes atteintes de cancer, sous ses différentes formes, demeure amère. L'association Amel relève, à juste titre, que les services de radiothérapie ne sont toujours pas équipés en accélérateurs, tel que promis par la tutelle depuis des années. Conséquence, les rendez-vous s'étendent désormais sur des mois. Les RDV pour scintigraphie, scanner et IRM, indispensables pour affiner le diagnostic, sont éloignés de trois mois et plus. Le pays enregistre un déficit important dans la prise en charge radiologique des enfants et une rupture, devenue chronique, des traitements pour chimiothérapie. "Il y a une année, nous pensions en avoir au moins fini avec les ruptures répétitives des médicaments pour la chimiothérapie et les antidouleur. Malheureusement, cela ne semble pas être le cas, et cela, faute de budget au niveau des hôpitaux", a encore rapporté l'association suscitée. Et il n'existe pas de chiffres probants sur l'incidence des décès par cancer, alors qu'ils démontrent l'état de la prise en charge de cette pathologie dans le pays. S. H. Nom Adresse email