45.000 nouveaux cas de cancer dont 1.500 enfants sont enregistrés, annuellement, en Algérie. Tels sont les chiffres avancés par le professeur Bouzid, chef du service d'oncologie au Centre Pierre et Marie Curie (CPMC), à l'occasion d'une rencontre relative à la prise en charge des personnes atteintes de cancer, organisée, hier, par l'association El Amel au forum d'El Moudjahid. Selon le professeur, « 50% de ces nouveaux cas sont menacés de mort au cours de l'année ». Quant au coût de la prise en charge des cancéreux, le spécialiste dira que pour le cancer du sein, par exemple, les soins coûteraient entre 3 et 5 millions de dinars quand la maladie est à un stade avancé. Evoquant les enfants cancéreux, l'intervenant a déploré le manque de structures spécialisées. En effet, il n'existe qu'un seul service d'oncologie pédiatrique à Oran, et deux structures sont en cours de réalisation à Alger et Annaba. Le vieillissement de la population, la pollution atmosphérique et de l'eau, l'alimentation déséquilibrée, le tabagisme en plus des prédispositions génétiques sont autant de facteurs qui provoquent le cancer, selon le Pr Bouzid. Ce dernier a précisé que « le cancer est une maladie chronique mais guérissable si le diagnostic et la prise en charge se font à temps ». « Pour commencer, a-t-il poursuivi, il est urgent de mettre fin au service civil, la Cnas doit aussi assumer ses responsabilités en termes de remboursement des médicaments ». Ces actions, selon lui, devraient s'accompagner de la révision de la loi sanitaire qui est « dépassée ». Pour le professeur Bouzid, les essais nucléaires dans les régions d'Adrar et Tamanrasset ont encore des répercussions néfastes sur la santé des populations locales. Une assertion soutenue par Me Fatma-Zohra Benbraham, avocate à la Cour d'Alger, qui a estimé que ces essais continuent de faire des victimes. A ce propos, la conférencière dira que « pour la première fois depuis 1960, l'Algérie a participé au colloque international sur le désarmement nucléaire ». « La voix de l'Algérie a été entendue par le sénat français, ce qui a permis à plusieurs pays participants de savoir que notre pays est victime des essais nucléaires », s'est-elle félicitée. S'exprimant au sujet des droits des personnes malades en milieu hospitalier, Me Benbraham a rassuré que toute personne dispose du droit d'accès aux soins, un droit social comme le stipule la convention des droits de l'Homme. Selon elle, « la personne malade a le droit d'accéder au service public hospitalier où on doit lui garantir un accueil et des soins adéquats dans le respect et la dignité, et ce même en fin de vie ». Pour le docteur Ben Dib, chef du service de sénologie au CPMC d'Alger, « le secteur de la santé se dégrade ». « Cela se reflète dans le dysfonctionnement des CHU et la mauvaise répartition des malades », a-t-il ajouté. Et de déplorer « l'absence d'un constat régulier pour évaluer ce qui se passe ». « Le manque de matériel dans les structures médicales est un véritable scandale », a affirmé le spécialiste. « Les lourdeurs ne permettent pas aux spécialistes de travailler dans le Sud et les Hauts-Plateaux », a-t-il regretté. Délais trop longs Après un constat amer concernant la prise en charge des cancéreux, l'association El Amel-CPMC a tiré de nouveau la sonnette d'alarme. Selon Hamida Kettab, secrétaire générale de ladite association, « la radiothérapie est devenue, depuis quelques années, un problème insoluble ». La décision d'acquérir 57 accélérateurs a été avalisée par tous les ministres qui se sont succédé à la tête du département de la Santé, mais aucun de ces appareils, à part un dans le secteur privé, à Constantine, n'est opérationnel. « Avant, on parlait de délais de radiothérapie de plus de 7 mois après la chimiothérapie alors qu'aujourd'hui, nous comptons en années », a-t-elle dénoncé. Selon la même responsable, il n'existe aucun centre de soins palliatifs. Concernant les rendez-vous de scintigraphie (scanner et IRM), ils sont à plus de trois mois. « C'est le premier délai de trop dans le parcours du patient », a indiqué Mme Kettab. Evoquant le problème de remboursement des soins, l'intervenante a indiqué que des dizaines de patients, faute de disponibilité de la radiothérapie dans les établissements hospitaliers, ont recours aux centres privés. La radiothérapie doit être assurée dans les centres publics. Pour rappel, 5 centres seulement prennent environ 8.000 patients en charge alors que la demande est de 28.000. Le privé demeure incessible pour la majorité de ces malades. Elle a également fait remarquer que les programmes et opérations de prévention font encore défaut. « Ce genre d'initiative pourrait sauver 30 à 50% des personnes des griffes du cancer », a-t-elle martelé.