La peur d'Al-Qaïda ravivée

Si le flou persiste sur la paternité du massacre terroriste de Madrid, l'hypothèse d'une responsabilité d'Al-Qaïda risque d'alimenter en Europe et dans le reste du monde occidental craintes et interrogations quant à la prochaine cible du réseau d'Oussama Ben Laden. Les pays qui, comme l'Espagne, ont soutenu les États-Unis dans la guerre en Irak apparaissent en première ligne. Pour autant, ceux qui, à l'instar de la France, l'Allemagne ou la Russie, se sont opposés au conflit ne sont pas nécessairement épargnés par la menace. “Si c'est Al-Qaïda, alors cela veut dire clairement qu'ils cherchent des cibles n'importe où en Europe, n'importe qui a soutenu la guerre américaine en Irak�, estime Maha Azzam, spécialiste d'Al-Qaïda au Royal Institute of International Affairs de Londres. “Je pense qu'en haut de sa liste, le réseau voudrait cibler les États-Unis et le Royaume-Uni (...) L'Espagne vient plus bas mais aussi d'autres pays comme l'Italie ou la Pologne, etc.�, ajoute-t-elle. Les attentats de jeudi à Madrid sont “un message au nom d'Al-Qaïda, adressé au monde entier�, a affirmé vendredi Omar Bakri, chef spirituel du groupe islamiste Al-Mouhadjiroun, soupçonné de liens avec le dirigeant présumé du réseau en Europe, Abou Qatada. Citant le communiqué publié à Londres qui attribue à Al-Qaïda la boucherie madrilène en la qualifiant d'opération “train de la mort�, il a laissé entendre que l'Italie pourrait être la prochaine cible d'une opération “fumée noire de la mort�, avant une autre attaque “vent de la mort� aux États-Unis. Dans un message enregistré diffusé en octobre 2003, Oussama Ben Laden s'était “réservé le droit� de déchaîner les foudres de ses partisans contre tout pays ayant pris part à la guerre en Irak. Il avait cité à l'époque le Royaume-Uni, l'Espagne, la Pologne, l'Italie, l'Australie et le Japon. “Cela veut-il dire que la France, l'Allemagne et la Russie risquent moins d'être visés ? Par rapport au raisonnement d'Al-Qaïda, je ne crois pas que cela ait beaucoup de sens�, affirme Paul Heywood, professeur de sciences politiques à l'université britannique de Nottingham. Ce spécialiste de l'Espagne ne croit pas à une signature des clandestins basques de l’ETA derrière les attentats de jeudi : “Cela ne colle pas. Il y a trop de différences importantes entre cette attaque et tout ce que l'ETA a fait dans le passé.� Il argumente en revanche que le réseau d'Oussama Ben Laden ne vise pas uniquement les alliés des États-Unis en Irak, mais “plus généralement le capitalisme occidental�. Le Premier ministre travailliste britannique Tony Blair n'a pas dit autre chose en mettant en garde vendredi ses compatriotes. La même interprétation semble prévaloir en Grèce, pays qui s'est opposé à la guerre en Irak, mais dont le nouveau gouvernement conservateur a annoncé le “renforcement� des plans de sécurité pour les jeux Olympiques d'Athènes 2004 et sollicité à cette fin l'assistance de l'Otan. La France, qui a payé un lourd tribut au terrorisme islamiste dans les années 1980-90, pourrait elle-même se trouver dans le collimateur, après la condamnation attribuée au numéro deux d'Al-Qaïda, Ayman Al-Zahawiri, de la loi votée le mois dernier interdisant le voile islamique à l'école publique.