Les galéjades de Sellal ne font plus rire, ni même sourire. À trop forcer sur un humour, souvent de mauvais goût, sans mesurer son impact sur la population, le désormais directeur de campagne du Président-candidat est non seulement ridiculisé sur les réseaux sociaux, mais risque d'embraser toute une région, qu'il a insultée par étourderie verbale. Au départ, la récurrence des blagues du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, amusait les journalistes, qui l'accompagnaient dans ses visites de travail dans les wilayas. Ils les rapportaient comme des perles agrémentant leurs articles, tout en attribuant à leur auteur un style décontracté qui tranchait avec la profondeur des déclarations de son prédécesseur à la tête du gouvernement, Ahmed Ouyahia. Mais comme dit un proverbe bien de chez nous, tout excès produit irrémédiablement l'effet inverse. Et c'est justement là l'erreur d'Abdelmalek Sellal qui a trop abusé de badineries dans ses discours officiels. L'on se rappelle que l'usage du vocable "chardama", en février 2013 à Illizi lorsqu'il évoquait les manifestations des jeunes chômeurs des régions du sud du pays, a été très mal apprécié, à telle enseigne que le Premier ministre a nié complètement, quelques semaines plus tard, l'avoir prononcé, en arguant que "ce terme ne fait pas partie de son vocabulaire ni de celui des membres de son gouvernement". Cet épisode ne l'a vraisemblablement guère échaudé puisqu'il récidive à chacune de ses sorties publiques, jusqu'à devenir la cible privilégiée des parodies des animateurs des réseaux sociaux qui ont pris l'habitude de relayer, sans modération, "les sellaliates". Quelques-unes, légères et impromptues, font carrément rire. Ainsi, au Conseil de la nation, il émaille son intervention de phrases en arabe dialectal, presque intraduisibles : "Sma zrek ou lhal safi" (le ciel est bleu et le temps clair), ou encore "hna maranach houkouma taâ batata" (nous ne sommes pas un gouvernement de pommes de terre). Lors de sa conférence de presse à la résidence El-Mithaq, en janvier 2013, après la prise d'otages au site gazier de Tiguentourine, il lance son fameux "le nif algérien est dans le ciel". À l'inauguration du Salon international du livre, il ne manque pas d'expérimenter son humour sur des étrangers. Ainsi, au stand des éditions Hachette, il lance tout de go à l'exposant : "Dites, vous ne pouvez pas nous éditer un Kaddour à la place du Robert ?" Quelques mètres plus loin, face à la directrice des éditions Dalimen, une dame blonde d'un certain âge, il replonge dans le délire : "Me voilà coincé entre une blonde et une rousse !", en référence à la ministre de la Culture qui l'accompagnait. Dès lors qu'il les pousse jusqu'à porter atteinte à la religion et la dignité humaine, les plaisanteries du Premier ministre ne suscitent plus le rire, mais plutôt l'agacement, voire la colère de ses concitoyens. "Allah nous surveille tous avec des jumelles", "Tay tay, li rabi hna kharjine", "La civilisation islamique a commencé à s'insinuer chez nous par les actes terroristes", "... Il (Bouteflika, ndlr) est le garant de la stabilité ; grâce à lui on boit du café ; grâce à lui on a de l'eau au robinet ; grâce à lui les étrangers peuvent prendre un whisky dans les grands hôtels"... Ses nombreuses digressions sur Dieu et l'Islam continuent à choquer, de même que son légendaire "fakakir", qui a été perçu comme une atteinte à la dignité des pauvres. Ce défaut de langue a inspiré le rappeur Lotfi Double Kanon, qui en a fait une chanson engagée, intitulée Fais gaffe mafia fakakir. Evidemment, l'expression "Rouh nenek", qu'il a utilisée pour affirmer que le président Bouteflika n'a nullement l'intention de quitter le pouvoir, n'est pas passée inaperçue, mais sans provoquer le séisme induit par ce qu'il convient de considérer, à juste titre, comme la blague de trop. En lâchant son "Chaoui hacha rezk rabi..." il y a deux jours à la Coupole du complexe sportif du 5-Juillet, Abdelmalek Sellal, qui avait déjà troqué ce jour-là l'habit de directeur de campagne du Président-candidat, n'avait certainement pas mesuré l'impact que sa plaisanterie produirait sur la population chaouie et même au-delà. Par sa légèreté, il risque d'embraser toute une région, connue pour son attachement à son honneur et à sa fierté. Si le pire est évité, M. Sellal devrait méditer sérieusement la sagesse de nos aïeux, qui ont conseillé de "tourner la langue sept fois dans la bouche avant de parler". S. H Nom Adresse email