Pour la première fois depuis 1962, le système n'a pas su dépasser ses contradictions qui ont été étalées sur la place publique. Jamais, depuis son accession au pouvoir en 1999, le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, n'a fait face à autant de vents contraires qu'en cette présidentielle de 2014. Contrairement à 2009, où il s'est offert, sans encombre et presque sans livrer bataille, un 3e bail à la tête du pays, il ne semble pas cette fois-ci jouer sur du velours et son ambition de prolonger son règne n'a pas rencontré que les applaudissements des partisans et autres courtisans. Précédée d'une passe d'armes entre le cercle présidentiel et le DRS, sa candidature pour un 4e mandat a, certes, fini par rallier beaucoup de soutiens allant des partis politiques (FLN, RND, MPA, Taj,...) jusqu'aux syndicats (UGTA et une aile du Snapap), en passant par les organisations de masse (ONM, Onec..). Des personnalités du régime, comme Ahmed Ouyahia et Belkhadem, un temps en disgrâce, ont même été appelées en renfort pour les besoins de la cause du maintien de Bouteflika à la tête du pays. Mais, force est de relever que cette candidature suscite aussi des oppositions à l'intérieur même du pouvoir alors que par le passé, quand les décideurs portent leur choix sur leur candidat, tous les segments et clientèles du système se mettent en ordre de bataille. Les choses ont changé. Pour preuve, le "tir ami" essuyé par le candidat Bouteflika de la part d'un de ses anciens compagnons et figure de proue du régime de Houari Boumediene, à savoir le colonel Ahmed Bencherif. "Ceux qui appellent à voter pour un 4e mandat sont, ou des malades, ou des béni-oui-oui, ou des traîtres", a asséné l'ancien patron de la Gendarmerie nationale, à l'occasion d'une conférence de presse animée au QG du candidat Ali Benflis, à qui il a apporté son soutien. L'ancien colonel justifie son opposition à un 4e mandat par l'état de santé de l'actuel chef de l'Etat. "J'ai le numéro personnel d'Abdelaziz Bouteflika sur cet appareil. Je l'ai appelé plusieurs fois ces derniers temps. Il n'arrive même pas à parler au téléphone. Il est complètement inconscient", a-t-il révélé avant de s'en prendre sévèrement au président du Conseil constitutionnel qui n'a pas fait usage de ses prérogatives pour disqualifier la candidature de Bouteflika. "Honte à vous, Monsieur Medelci !", s'est écrié M. Bencherif. Avant lui, Yacef Saâdi, responsable de la Zone autonome d'Alger du temps de la Révolution, qui a jusqu'ici soutenu l'actuel chef de l'Etat, s'est ouvertement exprimé contre le 4e mandat. Idem pour l'ancien patron de la Marine nationale, le général Mohamed Tahar Yala, un temps candidat à la candidature pour la présidentielle du 17 avril avant de jeter le tablier, qui a, lui aussi, affiché son hostilité à la reconduction de Bouteflika à la tête de l'Etat non sans proposer le report de la présidentielle et l'engagement d'une période de transition. Sans crier gare, le romancier et ancien directeur du Centre culturel algérien de Paris, Yasmina Khadra, vient de se mettre de la partie en joignant sa voix à celles des pourfendeurs de Bouteflika. Dans un entretien accordé hier à l'hebdomadaire français Le Journal du Dimanche, il est allé jusqu'à qualifier le 4e mandat d'"absurdité" et de "fuite en avant suicidaire". Et à l'auteur de L'Attentat d'enfoncer le clou : "Cette histoire de 4e mandat trahit l'inconsistance d'un régime qui a gaspillé tous ses atouts et qui cherche des prolongations en misant sur un coup de théâtre." C'est dire que pour la première fois depuis 1962, le système n'a pas su dépasser ses contradictions qui ont été étalées sur la place publique. En dehors du pouvoir, la candidature de Bouteflika a servi de carburant pour une jeunesse qui a longtemps pris son mal en patience. Dans la rue, à l'occasion des manifestations du mouvement Barakat, comme sur les réseaux sociaux, les jeunes Algériens s'en donnent à cœur joie pour brocarder un Président malade mais qui s'accroche à son fauteuil présidentiel, mais aussi, ses laudateurs qualifiés de tous les noms d'oiseaux. Les partisans du boycott, même s'ils s'inscrivent dans une perspective plus large en s'opposant au système dans sa globalité, ont eux aussi contribué au discrédit du 4e mandat de Bouteflika. Conséquence de tous ces tirs croisés contre la candidature de Bouteflika : la campagne électorale lancée il y a de cela une semaine, a du mal à démarrer et surtout à mobiliser les Algériens. En témoigne les meetings de candidats à la présidentielle et ceux des partisans de Bouteflika qui sont souvent chahutés quand ils ne sont pas simplement annulés, faute de public. Pis, Abdelmalek Sellal, directeur de campagne du candidat Bouteflika, a payé cash ses outrances verbales en voyant son meeting de Ouargla perturbé avant de quitter cette ville du Sud sous une pluie de pierres lancées par de jeunes Ouarglis. S'il n'est pas dit que toutes ces embûches pourront empêcher Bouteflika de rempiler, le quatrième mandat ne passera pas comme une lettre à la poste et pourrait donner lieu, après coup, à des suites imprévisibles. A. C Nom Adresse email