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“J’irai voter pour dire non à Bouteflika�
Idir à Liberté
Mehdi Lafifi
Publié dans
Liberté
le 22 - 03 - 2004
Il dégage une rare authenticité qui explique, entre autres, la longévité de son succès auprès d’un public de plus en plus large. Son engagement pour la reconnaissance de l’identité, la culture et la langue berbères n’est plus à présenter.
Liberté : Après trente ans de carrière, votre public est d’une indéfectible fidélité. Des fans de 7 à 77 ans, comme si une passation d’audition s’opérait...
Idir : (Gêné) S’il y a lieu d’être fier, je le dois à ceux qui ont toujours été au rendez-vous. Peut-être ai-je été utile ? C’est un honneur d’aller à leur rencontre. J’essaye d’être sincère et de ne pas tricher. La vérité on l’appréhende seul devant son miroir. Les paillettes ne m’intéressent pas.
Le concept d’identité est omniprésent dans votre parcours puisque vous avez toujours dénoncé ceux qui refusent l’évidence de l’Algérie amazighe…
Les bien-pensants nous ont constamment expliqué pédagogiquement que nos constantes nationales étaient l’arabité, l’amazighité et l’islam. Or, l’amazighité est en nous depuis la nuit des temps. Il n’est pas question de la considérer comme une péripétie de l’histoire. L’islam, au même titre que l’arabité ou la francité, est une péripétie de l’histoire. Il n’y a pas de confusion possible entre ce que l’on peut étudier sous l’angle historique ou ce que l’on a perçu et vécu et le substratum du peuple algérien qu’est l’amazighité. L’arabe ou le français sont des outils d’expression mais notre imaginaire collectif est plurimillénaire. Pour prendre un exemple dans mon métier : Billy Cobham, monstre du jazz rock, ne sortira pas le même son qu’Arezki Baroudi en jouant de la même batterie. Si la langue arabe est venue à nous, nous ne sommes pas des Arabes, on utilise cette langue pour exprimer des émotions et des sensations qui étaient déjà en nous. Chez nous, ce concept d’identité est à revoir, il a été dévoyé par le pouvoir par des procédés démagogiques à des fins idéologiques.
Comme l’attestent vos rencontres musicales, vous affectionnez particulièrement l’idée de brassage…
Évidemment, on s’enrichit au contact de l’autre. Il n’y a rien de “pur�. Parler, par exemple, de musique traditionnelle purement kabyle ou berbère n’a aucun sens. De plus l’usage de cette notion peut s’avérer dangereux dans la mesure où il induit une supériorité raciale ou ethnique. L’Algérie doit assumer sereinement ce métissage qui l’a constituée sans perdre de vue que, sociologiquement et historiquement, l’amazighité est le ciment de notre patrie. Sinon elle aurait disparue, ce n’est qu’à ce siècle contemporain qu’on tente de l’étouffer. Même la religion et sa puissance dogmatique ont été contraintes de se plier à nos règles traditionnelles.
Chaque printemps est synonyme d’hommage aux victimes du Printemps noir. Vous n’êtes pas sans savoir les troubles qui agitent la Kabylie aujourd’hui. Quelle analyse faites-vous de la situation ?
J’ai des visions troubles de ce qui se passe là -bas. Il y a trop de données qui ne me semblent pas cohérentes. Voir une telle division dans une Kabylie déjà exsangue me désole. Pour une Algérie forte, il faut une Kabylie forte, et pour une Kabylie forte, il faut une Kabylie unie. Je déplore ce triste spectacle de déchirements en tous genres. Associations et politiques de la région ont alarmé l’opinion publique algérienne concernant les manipulations et la corruption qui sévissent et attisent les divisions. Il ne faut surtout pas se tromper d’ennemi. Mettons hors d’état de nuire ces manipulateurs. Le pouvoir infiltre et corrompt. Il doit être contré par du courage politique. Depuis l’assassinat d’Abane Ramdane, la Révolution et l’Indépendance ont été confisquées. Les tenants du système, dont Bouteflika est l’incarnation, sont des usurpateurs.
Il faut chasser cette mafia qui a la mainmise sur le pays et s’appuie sur les citoyens et les cadres de l’administration, des institutions et de l’armée qui sont intègres. Je dis ceci pour tordre le cou aux généralités faciles et à certains clichés. Pour ma part, je voterai pour quelqu’un de clean, en dehors du sérail.
Vous êtes, donc, intéressé par cette élection présidentielle ?
Dans une certaine mesure, oui. J’irai voter pour dire non à Bouteflika. Je ne peux pas me résigner à lui laisser le champ libre. Même si je comprends les motivations de ceux qui ne participeront pas au scrutin, je me sens concerné à défaire celui qui a eu le culot d’aller Ã
Tizi Ouzou
nous annoncer que le sort de notre langue dépendait d’un réferundum.
Doit-on demander la permission pour exister ? Je n’ai pas confiance en ceux qui maintiennent le code de la famille et qui n’ouvre pas le débat de la laïcité en Algérie. J’observe avec attention cette génération de quadragénaires et de quinquagénaires, fils de l’indépendance qui peuvent apporter un souffle nouveau. À mon sens, le Dr Sadi, président du RCD, est celui qui correspond le plus à mes attentes pour l’Algérie.
En participant à “la fête de l’égalitéâ€� Ã
Paris
, vous soutenez la gauche populaire et citoyenne pour les élections régionales françaises...
Soutenir ces forces de gauche et d’ouverture, c’est être en osmose avec mes valeurs. J’apprécie ceux qui emmènent les gens vers la lumière, qui se préoccupent de justice en matière de redistribution des richesses, qui luttent contre l’exclusion et le racisme et qui consacrent le sens du partage et de la solidarité. Nous devons acquérir en Algérie une culture de démocratie participative avec des démocrates et des progressistes proches des plus démunis. Faire sur le terrain un travail de proximité. Dans ce domaine, les islamistes sont d’une redoutable efficacité.
M. L.
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