L'entrevue a porté essentiellement sur les perspectives du mouvement citoyen. Les Américains veulent comprendre mieux la crise de Kabylie. Deux conseillères politiques de l'ambassade US à Alger ont effectué, avant-hier, une visite à Tizi Ouzou pour s'informer de la situation dans cette région, en révolte larvée contre le pouvoir depuis avril 2001. Les deux diplomates ont rencontré les responsables régionaux du RCD et du FFS ainsi que des délégués du mouvement citoyen. Pourquoi cet intérêt soudain, mais tardif, des Américains après plus d'un an et demi de crise d'autant que, jusqu'à présent, les représentants des Etats-Unis se sont plutôt rangés du côté des autorités ? Il s'agit d'une “simple mission d'information”, affirme une responsable à la section politique de l'ambassade, contactée hier par téléphone. Cette visite est motivée, selon la représentation américaine, par le désir de la conseillère politique, récemment nommée à l'ambassade, d'avoir “une image complète” de la situation en Kabylie. “Elle voulait avoir un son de cloche autre que celui qu'on trouve dans la presse algérienne pour mieux comprendre ce problème”, précise-t-on à la section politique de l'ambassade. Ce déplacement en Kabylie était prévu depuis des mois, mais il a été repoussé de semaine en semaine par les Américains, invoquant à chaque fois un problème de calendrier. Quoi qu'il en soit, les Américains ont, cette fois, insisté pour rencontrer des délégués du mouvement citoyen. Donc, c'est à la demande des diplomates américains qu'une délégation des Coordinations des archs de Tizi Ouzou, représentée par deux délégués d'Ath-Jennad qui assurent la présidence de la CADC, et de Boumerdès, représentée par Rabah Boucetta, les a rencontrées, avant-hier, à Tizi Ouzou. L'entrevue a porté essentiellement sur les perspectives du mouvement citoyen, selon le délégué de Boumerdès pour qui les deux diplomates ont paru extrêmement attentives aux explications des archs. Ce délégué a notamment expliqué que la seule réponse officielle du pouvoir, jusqu'à présent, est le communiqué de la Présidence de septembre 2001, dans lequel cette institution reconnaissait la légitimité des revendications du mouvement citoyen sans pour autant s'engager sur des échéances et une démarche précise. Sinon, le pouvoir a eu recours à la répression à chaque fois que le mouvement tentait de s'exprimer pacifiquement, a-t-il ajouté. C'est à partir de là que nous avons compris “l'extrémisme, voire la prise des armes”, a encore expliqué ce même délégué aux diplomates américaines. Une certaine tension s'est installée entre les deux parties lorsque l'un des délégués reprocha aux Américains d'avoir soutenu “la mascarade électorale du 30 mai”, alors que “nous avons été les premiers à condamner les attaques anti-américaines du 11 septembre 2001”. Selon la délégation des archs, les deux diplomates “avaient du mal à cacher leur gêne devant tant de franchise et de vérité”. “Nous aurions voulu vous rencontrer bien avant. Malheureusement, cela n'a pas été possible” a fait remarquer l'une d'elles en guise de réponse aux reproches des archs. Concernant les perspectives, les délégués ont répondu à leurs interlocutrices que cette question sera tranchée lors du prochain conclave prévu le 12 décembre à Boumerdès. Les diplomates américaines ont voulu également s'informer sur la vague d'arrestations ayant ciblé les délégués. Les représentants des archs ont expliqué que rien n'a changé dans les procédés employés par le pouvoir depuis la première vague d'interpellations en mars 2002. À la différence près que cette fois, un parti politique ayant pris part au scrutin du 10 octobre 2002 est impliqué dans cette opération puisqu'il a déposé des plaintes contre des manifestants, a précisé Rabah Boucetta. Les deux diplomates se sont également entretenues avec le président du bureau régional RCD à Tizi Ouzou, Ahmed Aggoun. Selon lui, les deux conseillères voulaient surtout connaître la position du RCD sur les élections partielles à venir. “On leur a dit que ces élections subiront le même sort que leurs précédentes, c'est-à-dire qu'elles n'auront pas lieu”, a expliqué le responsable du RCD. La délégation américaine a également rencontré les responsables du FFS à Tizi Ouzou. Ces derniers n'ont pu être joints hier au téléphone pour davantage de précisions sur cette rencontre. A. C.