En août 2002, une délégation américaine, composée de conseillers auprès de l'ex-ambassadrice, a émis le vœu de rencontrer Belaïd Abrika. Ce dernier a signifié à ces conseillers qu'il ne souhaitait pas se déplacer. La délégation était donc contrainte de venir en Kabylie afin de le rencontrer. Le rendez-vous a été fixé au quartier Les Genêts. Mais malheureusement, alors que la délégation était attendue, l'information est parvenue aux délégués prévenus par Abrika, faisant état de la non-délivrance d'autorisation par les autorités algériennes aux officiels américains de se déplacer en Kabylie. Quelques mois plus tard, Belaïd Abrika a été incarcéré à la maison d'arrêt de Tizi Ouzou. Pendant ce temps, d'autres conseillers de l'ambassade des Etats-unis d'Amérique en Algérie ont pu effectuer le déplacement à Tizi Ouzou, rencontrant partis politiques, société civile et délégués du mouvement citoyen, membres de la présidence tournante de la CADC. Cette rencontre n'a apparemment pas suffi aux Américains pour connaître le mouvement citoyen et comprendre la problématique de la crise de Kabylie qui perdure depuis deux ans et demi. À peine sorti de prison, Abrika a encore été sollicité par les conseillers de l'ambassadeur des Etats-Unis en Algérie chargés des droits de l'Homme. Les interlocuteurs de Abrika l'on écouté avec intérêt et la rencontre a duré environ trois heures. Selon le délégué du mouvement citoyen, la conseillère chargée des droits de l'Homme à l'ambassade des Etats-Unis l'a informé que des rapports détaillés ont déjà été établis sur la situation des droits de l'Homme en Kabylie et en Algérie et que, contrairement à ce qui a été déjà dit, les Etats-Unis d'Amérique ont eu à se positionner quant à la crise de Kabylie en particulier et de l'Algérie en général. Belaïd Abrika s'est longuement entretenu avec la conseillère américaine. Il lui a fait état des violations très flagrantes des droits de l'Homme par le pouvoir algérien responsable de l'assassinat de 123 jeunes. Il a eu à étaler les exactions commises par le pouvoir sur le mouvement citoyen et sur toute une région, en évoquant la répression sauvage incarnée par la personne du ministre de l'Intérieur, Zerhouni. La question des droits de la femme algérienne et de son statut discriminatoire, notamment à travers le code de la famille, a été, par ailleurs, abordée par Abrika. Ce dernier lui a assuré que le mouvement citoyen a inscrit parmi ses points faibles la non-participation de l'élément féminin dans ses rangs à cause de la structuration à la base par les comités de village ancestraux. Il a également affirmé à la conseillère américaine que des efforts sont fournis par les délégués, notamment lors de la dernière commission de réflexion qui a eu à se réunir à Ath Jennad où une résolution encourageant la participation de la femme dans le mouvement citoyen a été adoptée. L'Américaine s'est ensuite enquise de la situation sécuritaire en Kabylie et en Algérie avant d'informer Abrika que l'Amérique compte s'ouvrir sur l'Algérie. Belaïd Abrika a dû expliquer, à plusieurs moments de l'entretien, les différentes positions du mouvement citoyen qui, a-t-il insisté, a toujours été pacifique malgré la violence du pouvoir. Le caractère scellé et non-négociable de la plate-forme d'El-Kseur a été expliqué. Abrika a informé la conseillère américaine qu'il s'agit d'un projet de société et non d'une simple plate-forme de revendications syndicales ou techniques. Le mouvement citoyen représente une force morale sur le terrain, a encore indiqué Abrika à son interlocutrice. Il parlera ensuite de toutes les manœuvres machiavéliques orchestrées par le système en place, en rappelant toutes les positions responsables et courageuses des délégués, lors de situations que le pouvoir voulait à tout prix qu'elles deviennent dramatiques pour la Kabylie, notamment lors du déclenchement des évènements sanglants du Printemps noir. En avril 2001, le mouvement citoyen a réussi à arrêter l'effusion de sang et sans lui, la région aurait comptabilisé davantage de morts et de blessés. Abrika parlera beaucoup de la misère et du chômage qui sévissent dans la région et qui poussent toute la jeunesse à vouloir quitter le pays. K. S.