À cinq semaines de la Coupe du monde de football, le Brésil n'a toujours pas retrouvé son calme. C'est toujours ce chaudron avec des émeutes qui n'arrêtent pas de se propager, notamment dans les villes devant accueillir le sport roi. Mêmes ses villes vitrines n'ont pas été épargnées. La raison, et il n'y en a qu'une seule. La débauche d'argent dépensé pour des stades démesurés alors que des besoins sociaux urgents ne sont toujours pas satisfaits. Pauvreté et inégalité sont toujours immenses dans le pays qui a pourtant pris la tête des cinq ou six nations du tiers monde qui rattrapent les pays développés. Mardi 22 avril, de violentes émeutes à Copacabana, la carte postale par excellence du mode de vie brésilien, ont opposé des jeunes des favelas et des policiers. Des manifestations qui témoignent que, moins d'un an après l'agitation sociale de juin 2013, la société brésilienne reste toujours en colère. La présidente socialiste Mme Dilma Roussef, dauphine de Lula, ce syndicaliste qui a fait bondir le Brésil, a fait quelques concessions de forme, a essayé de présenter les investissements colossaux pour la balle ronde comme environnementaux et s'inscrivant dans le développement durable. Officiellement, les indications du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), qui a souligné que les efforts que l'Afrique du Sud a fournis en 2010 pour rendre la Coupe du monde de football écologique "n'étaient pas suffisants et n'avaient pas été à la hauteur en matière environnementale", ont été entendues par les autorités brésiliennes, qui pour la vingtième édition de la Coupe du monde vont présenter douze stades "écologiques", flambant neufs ou rénovés, à Rio de Janeiro, Brasilia, Fortaleza, Belo Horizonte, Sao Paulo, Porto Alegre, Salvador de Bahia, Recife, Cuiabá, Manaus, Natal et Curitiba. Les organisateurs de l'événement qui se déroulera du 12 juin au 13 juillet jurent réduire l'impact sur l'environnement, en utilisant des technologies durables allant des systèmes d'éclairage efficaces à la réduction de la consommation d'eau, en passant par l'accessibilité pour les personnes handicapées et par les transports écologiques. Ça ne suffit pas... Des ONG brésiliennes ont pointé les projets footballistiques jugés budgétivores et inutiles. Ainsi, le stade Maracaña de Rio de Janeiro, le "temple" du foot planétaire, édifié pour la Coupe du monde 1950, a été rénové et présenté comme un exemple de développement durable : sa toiture est semée de 1 500 panneaux photovoltaïques pour assurer son autonomie énergétique. Idem pour le stade de Belo Horizonte, le premier à recevoir le label LEED (Leadership in Energy and Environmental Design), une certification américaine octroyée aux bâtiments à haute qualité environnementale. Le Brasilia, entièrement rénové, produit autant d'énergie qu'il en consomme, utilise des lumières LED pour l'éclairage et sa pelouse est arrosée grâce à un système de stockage et d'utilisation d'eau de pluie. De plus, sa structure est dotée d'une membrane photo-catalytique pour capter les particules polluantes et améliorer la qualité de l'air. Le problème pour ces ONG est que ces stades très couteux ne seront plus rentables une fois les feux de la fête éteints. L'exemple le plus évident est pour elles le stade de Manaus, l'Arena da Amazônia qui accueillera 40 000 personnes pendant la Coupe, avec de nombreux services comme des restaurants, un parking souterrain et un accès par bus et monorail. Il aura coûté la bagatelle 205 millions d'euros mais après le Mondial le stade ne sera plus utilisé, d'autant que la meilleure équipe locale, le Nacional évolue en Série D, la quatrième division brésilienne. Habituellement, moins de 2000 personnes suivent les matches de cette modeste équipe. Que deviendra ce monument au milieu de la forêt amazonienne ? A Cuiabá, la situation est la même : un stade de 43 000 spectateurs dans une ville où les équipes végètent en Série C et D. A Natal également où l'Arena des Dunas, qui a coûté 125 millions d'euros, se contentera de clubs de Série B : l'ABC et l'America RN. Ce stade, rassure la présidente, sera également utilisé pour des concerts, des salons commerciaux, des ateliers, des événements majeurs et des expositions. Même avec ces activités alternatives, une infrastructure sportive de 42 000 places reste démesurée, lui ont rétorqué les ONG. L'entretien de l'Arena des Dunas est estimé à 376 000 euros par mois. Même problématique pour le stade de la capitale politique Brasilia, le Mané Garrincha avec ses 71 000 places en plein centre-ville pour deux formations mineures Gama et la Brasiliense suivies jusque-là par quelques centaines de personnes. Autre face caché de le Mondial 2014 organisé par le Brésil : certains travaux se sont soldés par des expulsions forcées, dénoncées par Amnesty International. A Rio de Janeiro, 800 familles ont été expulsées dans le quartier de Providência...Voici pourquoi plusieurs mouvements dénoncent cette version 2014 de la Coupe du monde qui serait pour les populations que le train du développement a laissé sur les quais des gares, la vitrine d'un modèle qu'ils rejettent. Ces populations loin des clichés de Copacabana, n'admettent pas ces sommes colossales n'aient pas été consacré d'abord aux programmes sociaux. Si en 2010 en Afrique du Sud les dépenses totales ont été de 4 milliards de dollars, ce qui a été jugé scandaleux, au Brésil, on a déjà atteint les 13 milliards. Mais la présidente Dilma Rousseff a anticipé qu'il faudra atteindre au moins les 18 milliards de dollars. Et dans son pays, les conditions de la santé, de l'environnement, de l'éducation sont catastrophiques. Selon une enquête de la Confédération nationale des transports, la plupart des Brésiliens (75%) considèrent comme inutiles les dépenses colossales imposées par le gouvernement pour organiser le Mondial de football. Après le foot, le Brésil doit organiser les prochains Jeux olympiques (2016) à Rio. D. B. Nom Adresse email