Selon certains chiffres révélés en 2005, le gouvernement estimait l'impact financier de la suppression de l'article 87 bis à 500 milliards de dinars pour l'Etat et 40 milliards pour les entreprises, soit plus de 7 milliards de dollars. Ces données ont été calculées avant les augmentations généralisées récentes des salaires. Nos calculs de 9/11 milliards de dollars sur les incidences de l'abrogation de l'article 87 bis doivent d'abord distinguer traitements, concept qui s'adresse au secteur non économique, et salaires qui renvoie uniquement à la sphère économique et être compris donc en dynamique et non en statique. 1- L'abrogation de l'article 87 bis aura des conséquences à court terme mais également à moyen terme du fait de l'inversement du système de hiérarchie de la rémunération. Donc un impact illusoire limité à court terme, du fait qu'une bonne partie des effectifs a eu des relèvements au-delà de 18 000 dinars, donc non concernés, mais illusoire car les augmentations seront amplifiées à terme afin de ne pas détruire l'équilibre entre les rémunérations. Car l'effet immédiat sera le nivellement par le bas par le tassement des rémunérations entre les catégories, un non-qualifié, à la marge après augmentation, percevant presque la rémunération d'un qualifié avec le risque d'une démotivation, la dévalorisation de la qualification, et donc une baisse de la productivité du travail. Dès lors la seule solution du fait des remous sociaux inévitables, nous devrions assister à de nouvelles augmentations de salaires en cascade afin accroître l'écart et d'éviter de briser l'équilibre entre les différentes rémunérations et écart qui sera fonction bien entendu des rapports de force du moment entre le pouvoir et les syndicats, afin d'éviter le nivellement par le bas, ce qui ne peut qu'aboutir qu'à une dérive inflationniste. 2- Il y a lieu de préciser l'impact de la création des nouvelles wilayas et ministères qui cumuleront les effets dépensiers car le plus gros problème relève des effectifs dans la Fonction publique avec un faible niveau de qualification. Entre 2005 et 2012, nous avons une croissance des effectifs s'élevant à 47% dans la Fonction publique, presque 2 millions en 2012, plus de 2,1 en 2013 après les derniers recrutements à travailler pour la Fonction publique, dont 86% bénéficiant d'un statut de permanent, selon la direction générale de la Fonction publique. Mais si on s'en tient aux statistiques du Cnas, qui prend également en compte les recrutés dans le cadre du pré-emploi, la Fonction publique algérienne totaliserait près de 3 millions d'agents en 2013. Selon les données officielles de 2012 : - ministère de l'Intérieur 600 000 agents y compris DGSN (environ 200 000), -l'Education nationale, 560 000. Vient en troisième position toutes catégories confondues - Santé, avec 237 000 toutes catégories confondues - Enseignement supérieur 152 000 agents tous agents confondus mais avec moins de 2 000 professeurs en titre sur 1,3 millions d'étudiants. 3- Pour le secteur économique secteur public et privé, l'incidence directe serait d'environ 10/20% d'augmentation de la masse salariale, selon les secteurs et sous-catégories, beaucoup plus pour certaines entreprises. Ainsi, selon un document de l'UGTA, à Cosider, la masse salariale globale augmentera de plus de 38,69% avec l'abrogation du 87 bis qui ne donne pas le montant en cas de l'alignement du salaire de base avec l'IEP. Si au niveau de cette importante entreprise publique, cet impact pourrait être supportable, chez bon nombre d'entreprises, mais pour la majorité insupportable comme c'est le cas chez le groupe avicole de l'Ouest, Oravio, qui emploie plus de 2 000 travailleurs et dont la masse salariale augmentera de plus de 20%. À Sonelgaz, la masse salariale, qui est de 42 951 095 DA, passera à 52 829 846 DA, soit une augmentation de 23% alors qu'à la SNVI, la masse salariale augmentera de plus de 12%. Rappelons que, selon l'ONS, la structure de l'emploi par secteur d'activité est dominée par le secteur tertiaire (commerce et services) qui emploie en 2012/2013 plus de la moitié soit 59,8% des actifs, suivis du BTP avec 16,6% (près de 2 millions dont plus de 50% sont des catégories inferieures bénéficiant donc de l'abrogation), l'industrie (13% donc 1,6 million posant la part des catégories bénéficiant de cette abrogation notamment au niveau du secteur privé) et l'agriculture (10,6%). Précisons qu'en 2013, la population active du moment, au sens du BIT, a atteint 11 964 000 personnes, soit un accroissement relatif de 4,7% par rapport à septembre 2012. La population active féminine a dépassé deux millions de femmes (2 275 000) formant ainsi 19% de l'ensemble de la population active. 4- En résumé, l'accroissement de la dépense publique et notamment de la création d'emplois dans les secteurs administratifs et des emplois rentes dans certaines entreprises publiques économiques, au détriment de la création de la valeur ajoutée est intenable. Le budget de fonctionnement a connu une augmentation de 378,9 milliards de dinars, comparativement aux dotations allouées dans la loi de finances 2013. Aussi, les dépenses projetées par la loi de finances PLF 2014 au cours officiel sont d'environ 100 milliards de dollars. La hausse des dépenses par rapport à 2013 est de 11,3%. Cette croissance du budget de fonctionnement est 3 fois plus rapide que celle du PIB (annoncée à 4,5% mais les prévisions dans ce domaine ne sont jamais réalisées depuis 2005). Pour la Banque d'Algérie, le poids de la dépense publique a pris des proportions inquiétantes, passant de près de 45% en 2011 à 50% du PIB en 2012. Alors que ces ratios sont de l'ordre de 27% au Maroc et 26% en Tunisie en 2011. Selon les experts, la nouvelle croissance des dépenses de l'Etat prévue en 2014 avec l'abrogation de l'article 87 bis et les nouvelles structures administratives le cap des 50% du PIB risque fort d'être franchi en 2014. Le déficit budgétaire prévu pour 2014 est estimé à un niveau faramineux de 45 milliards de dollars qui risque d'être dépassé sauf coupes budgétaires dans certaines rubriques. Dès lors, le prix du baril de pétrole qui permet de financer les dépenses du budget de l'Etat qui était en 2013, marqué par une plus grande "prudence" de 105 dollars, pour 2014, devrait se situer entre 110/115 dollars. Du fait de la rigidité de l'offre, 70% du pouvoir d'achat des Algériens dépendant des recettes d'hydrocarbures, il y a risque d'une hausse des prix internes, c'est-à-dire l'accélération du processus inflationniste, pénalisant les couches les plus défavorisées, compressée artificiellement par les subventions qui ne peuvent être que transitoires. Les transferts courants, dont les transferts sociaux et les subventions représentent en 2013 près de 30% des dépenses (12% du PIB). 5- Selon une étude du gouvernement, pour la période 2006-2011, les dépenses inhérentes aux rémunérations et aux transferts sociaux ont accaparé 84% de la dépense budgétaire. La poussée récente des importations, 55 milliards de biens et 12 milliard de dollars de services, soit au total 67 milliards de dollars de sorties de devises en 2013, (ajoutons environ 7/8 milliards de transferts des capitaux donc plus que le profit net de Sonatrach en 2013 devant différencier recettes et profit après déduction des charges) est donc le fait à la fois des investissements massifs dans les infrastructures et au niveau du secteur énergie mais de certaines surfacturations (pas de contrôle, cotation administrative du dinar avec un glissement, pour ne pas dire une dévaluation), mais également des augmentations de salaires notamment dans la Fonction publique. Qu'en sera-t-il en cas de chute du cours des hydrocarbures prévue entre 2015/2017 et pourra-t-on continuer dans ces dépenses improductives, emplois rentes sans contreparties productives et subventions quitte à épuiser le Fonds de régulation des recettes et les réserves de changes au bout de quatre années en retournant au FMI horizon 2018/2020 ? Dr A. M. *Professeur des universités Expert international Nom Adresse email