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Quelle conclusion tirer de la dernière réunion entre le gouvernement et les partenaires sociaux ?
Publié dans La Nouvelle République le 01 - 03 - 2014

Je me félicite de la prudence de la dernière tripartie ayant réuni l'UGTA et le patronat. Mais dommage que les syndicats autonomes n'aient pas été conviés, car la déperdition de l'UGTA est évidente comme en témoignent les conflits sociaux auxquels elle assiste en tant que spectateur. Il a été décidé, en effet, de reporter à 2015 l'application de l'abrogation ou de la modification de l'article 87 bis, car seule une loi peut modifier une loi. Que le gouvernement et les syndicats s'entendent sur l'appellation qui a des incidences différentes. L'objet de cette contribution est d'essayer de quantifier les impacts financiers qui ont des incidences sur les équilibres macroéconomiques et macrosociaux : attention à la dérive inflationniste.
1- Il s'agit au préalable de quantifier la masse salariale. La première information officielle mentionne pour 2003, 533 milliards de dinars de masse salariale pour le secteur économique et 542 milliards de dinars concernant l'administration, soit au total 1 075 milliards de dinars. Dans le décret de 2007 sur la revalorisation des salaires de la Fonction publique, les responsables du secteur ont avancé pour ce segment environ 720 milliards de dinars fin 2006 (source APS). La seconde enquête publiée en 2012 par l'ONS (couvrant la période 2006/2011), nous donne un aperçu très intéressant de l'évolution de la masse salariale. Pour le secteur économique, elle est passée de 725 milliards de dinars en 2006, à 820 en 2007, 943 en 2008, 1 017 en 2009, 1 166 en 2010 et 1274 en 2011. Cependant cette masse globale doit être redressée pour calculer les sureffectifs notamment dans les entreprises publiques par rapport aux standards internationaux et donc la productivité du travail selon le rapport de l'OCDE est une des plus faibles au niveau de la région MENA. Environ 90% du tissu économique est constitué de petits services commerce (tertiairisation de l'économie via la rente) et au niveau du secteur productif, 95% de PMI-PME peu enclin au nouveau management stratégique. Nous assistons au déclin du tissu industriel représentant moins de 5% du PIB, 98% des exportations relèvent des hydrocarbures, l'importation pour 80% des besoins des entreprises publiques et privées dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15%, avec ce paradoxe l'importation de 3,5 milliards de dollars de carburants payés au prix international et cédé à un pris subventionné. Pour l'administration y compris les banques assurances-affaires immobilières (l'ONS fait un regroupement sans distinction ce qui es tune aberration économique), la masse salariale est passée de 684 milliards de dinars en 2006, à 811 en 2007, 1 098 en 2008, 1 230 en 2009, 1 628 en 2010 et 2 415 en 2011. Selon le ministre des Finances, «la masse salariale prise en charge par le budget de l'Etat est estimée à 2 600 milliards DA en 2013 (plus de 34 milliards de dollars), un accroissement de 852 milliards de dollars entre 2011/2013 soit 10,8%. Ici dans ce cas, il y a lieu de mettre en place d'autres normes de calcul pour évaluer l'efficacité notamment des ministères, wilayas, APC, hôpitaux, éducation, ANP, et autres services collectifs, car les ratios aux entreprises ne sont pas applicables. La gestion de ces segments ainsi que leur organisation en Algérie répond encore aux normes administratives du début du XXe siècle et pour voiler l'importance du taux de chômage, l'on privilégie les emplois rentes au détriment des emplois productifs (plus de 2,2 millions de fonctionnaires avec les derniers recrutements) 2- Globalement, la masse salariale secteur économique et administration est passée de 1500 milliards de dinars en 2006, à 1 722 en 2007, 2 140 en 2008, 2 380 en 2009, 2 920 en 2010 et 3 820 milliards de dinars en 2011. Si l'on prend le taux de 10% entre 2011/2013, la masse salariale globale (reprenant le même accroissement que les données du ministre des Finances), la masse salariale globale serait d'environ 4200 milliards de dinars soit au cours moyen de 77 dinars un dollar 53,3 milliards de dollars. Comme le PIB (produit intérieur brut) est estimé à 215 milliards de dollars, le ratio masse salariale sur le PIB est de 25,6% pour 2013. Selon des chiffres révélés en 2005, le gouvernement estimait l'impact financier d'une éventuelle suppression de l'article 87 bis à 500 milliards de dinars pour l'Etat et 40 milliards pour les entreprises soit 540 milliards de dinars (7 milliards de dollars). Ces données ont été calculées avant les augmentations généralisées récentes des salaires. L'impact financier est donc beaucoup plus important en 2013, puisque la masse salariale est passée de 1 500 milliards de dollars en 2005 à 3 820 milliards de dinars en 2011 et à environ 4 200 milliards de dinars en 2013.. Sous l'hypothèse que les impacts représentent entre 15 à 25% du revenu pour toutes les catégories de salariés (le Forum des chefs d'entreprises privées-FCE l'estimant à environ 20%) nous aurons : Hypothèse haute 25% : ce qui nous donnerait au prix constant 2013 1 300 milliards de dinars soit 17 milliards de dollars annuellement.Ce serait dans cette hypothèse une inflation à deux chiffres. Hypothèse moyenne 20% : pour un impact de 20% selon le rapport du FCE, nous aurons 840 milliards de dinars chaque année soit à prix constant pour toute la période de l'activité économique jusqu'à l'âge de la retraite, l'impact de la modification donnerait 10,9 milliards de dollars. Hypothèse de hausse basse 15% : nous aurons 630 milliards de dinars soit 8,2 milliards de dollars. Toutes ces hypothèses, avec des intensités différentes entraîneront une dérive inflationniste en cas de non accroissement proportionnel de la productivité et de la production. Ou du fait de la spécificité de l'économie algérienne, (économie rentière) ou du fait sous l'hypothèse de non fléchissement du baril du pétrole et du gaz, un accroissement des importations et donc des subventions pour compresser artificiellement cette inflation et donc éviter une dérive sociale. Subventions et transferts sociaux selon les propos du Premier ministre algérien représentent 30% du produit intérieur brut soit 70 milliards de dollars en 2013 ce qui est intenable, surtout que les rapports du FMI et de la Banque d'Algérie de 2013 prévoient une chute du cours des hydrocarbures entre 2015/2017. Dans ce cas, 70% du pouvoir d'achat des Algériens étant fonction de la rente des hydrocarbures avec une répartition de surcroît inégalitaire, (concentration du revenu national au profit d'une minorité rentière accentuée par la corruption qui devient un danger pour la sécurité de l'Algérie), l'abrogation de l'article 87 bis deviendra impossible. Pour la majorité des PMI-PME dont la masse salariale représente plus de 50% au sein de la valeur ajoutée, cette augmentation serait insupportable, entraînant soit la fermeture pure et simple et donc des licenciements, soit aller vers la sphère informelle déjà florissante, soit l'aide à l'Etat sous forme de subventions divers. 3- En résumé, il faut différencier, pour avoir une vision opérationnelle comme l'a montré brillamment le feu grand économiste polonais Michael Kalecki, salaires et traitement. Le concept de salaires s'applique au seul secteur créateur directement et indirectement de valeur-ajoutée. Pour le traitement, il y a deux sous-rubriques : ceux qui bénéficient d'un transfert direct, et ceux qui comme le recommande le PNUD, contribuent indirectement à la création de valeur à moyen terme en l'occurrence l'éducation et la santé. Or, il existe une confusion méthodologique des données de l'ONS qui inclut par exemple, dans l'administration les banques et assurances alors qu'il faille éclater cette rubrique, données brutes qui ne permettant pas une analyse opérationnelle. La politique salariale qui n'existe malheureusement pas , assistant à une distribution passive de la rente, doit s'inscrire dans le cadre de la politique socio-économique et de l'approfondissement de la réforme globale impliquant l'insertion de la sphère informelle produit des dysfonctionnements des appareils de l'Etat et de la bureaucratisation croissante, au sein de la sphère réelle, la maîtrise de la hausse des prix pour éviter toute dérive inflationniste qui pénaliserait les couches le plus défavorisées, notamment les revenus fixes. Elle implique de saisir les liens entre le processus d'accumulation, la répartition du revenu et le modèle de consommation par couches sociales, enquêtes inexistantes. Dans toute nation, si elle veut éviter la dérive tant politique, sociale qu'économique solidaire, l'on ne peut distribuer plus que ce qui a été préalablement produit. Cela implique le primat du travail, donc de la connaissance et de l'entreprise créatrice de richesses qu'elle soit publique , privée locale ou internationale sur la rente, condition d'une transition maîtrisée pour une économie productive dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux. Face aux tensions actuelles qui risquent de marginaliser le pays, l'Algérie a besoin en urgence d'une nouvelle politique socioéconomique, d'un Etat de droit et d'une nouvelle gouvernance.

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