France2 en renfort de l’ENTV

En mars 2003, Jean-Pierre Elkabbach décroche, au cours du voyage de Chirac en Algérie, une interview exclusive de Bouteflika. Une année plus tard, presque jour pour jour, il s’apprête à renvoyer l’ascenseur. Elkabbach invitera son ami le Président et cependant candidat sur une chaîne à forte écoute algérienne et dans une émission de grande audience de France 2, chaîne d’État française. À part cela, le journaliste, lui-même directeur d’une autre chaîne publique, la télévision sénatoriale, n’intervient pas dans les élections.
Elkabbach fait partie de cette génération de journalistes métropolitains “amis� de l’Algérie, mais de cette amitié très politique qui ne considère que les régimes et qui a fait les beaux jours de la “politique arabe� et de la “politique africaine� de l’Élysée. Se prévalant d’attaches personnelles, ils exploitent l’état de fait que dans le tiers-monde, les empressements autour du régime du moment valent les meilleures concessions diplomatiques.
Quand Hervé Bourges héritait de la gestion d’une véritable concession comme “l’Année de l’Algérie en France�, cela a dû lui rappeler, en 2003, les belles années Ben Bella, où l’Algérie se résumait à un chef d’État omnipotent et à ses fraternités. En matière d’amitié parisienne comme en matière de classe politique locale, l’Algérie en est restée à la préhistoire de son indépendance. Elles ont d’ailleurs toutes deux disparu en temps de crise politique et… financière pour réapparaître avec l’embellie sécuritaire et pécuniaire. Comme en politique locale, ces alliances sont faites d’attachements, de connivences.
Il y a quelques semaines, Benyahmed, dont le magazine a longtemps sévi contre le budget promotionnel des “sociétés nationales� d’antan, a attiré une poignée de journalistes français jusqu’à El-Oued pour suivre un déplacement présidentiel. Il semble que l’opération n’ait pas été médiatiquement productive, mais il fallait bien que Jeune Afrique qui, depuis la période faste de grands ensembles économiques administrés, s’est “intelligemment� rebaptisé, justifie les placards publicitaires de la Sonatrach.
Cette espèce de lobbying des régimes pratiquée par des milieux où se croisent des intérêts politiques, médiatiques et financiers a quelque chose de malsain et de dangereux. Malsain, parce qu’ignorants des évolutions locales, ces influents personnages s’adonnent à des viols d’opinion qu’un partenaire respectueux ne doit plus s’autoriser dans le monde de 2004. Dangereux, parce que la mémoire collective conservera le souvenir de ces interventions contrariantes. D’autant plus que le monopole du pouvoir sur la télévision unique du pays inflige une frustration existentielle aux opinions concurrentes. Si à l’arbitraire de l’ENTV s’ajoute la coopération amicale d’officines parisiennes…
L’épisode des allées et venues transportées, sponsorisées et rétribuées par Khalifa a laissé un traumatisme dans un pays où les perdants de cette étrange exhibition bancaire sont les épargnants locaux ruinés par la banqueroute de la banque.
Ce ne serait donc pas bon que ce commerce néo-colonial des amitiés politico-médiatiques reprennent en pleine campagne électorale. Ce qui est amical pour l’ami roi peut être inamical pour ses sujets. C’est démontré.
M. H.