Secouée depuis novembre 2013 par de graves et sanglants affrontements communautaires qui ont fait plusieurs victimes (10 morts et 300 blessés), la région du M'zab replonge à nouveau dans la crise. Les vieux démons de la haine et de la division se sont vite réveillés pour mettre brutalement un terme à la relative et précaire accalmie connue par la région depuis la tenue de l'élection présidentielle. Pourtant, lors de la campagne électorale, l'actuel Premier ministre, alors directeur de campagne du candidat Bouteflika, a fait la ferme promesse, à l'occasion d'une virée électorale dans le M'zab, le 8 avril dernier, de clore définitivement le chapitre de la violence intercommunautaire qui secoue Ghardaïa. "Juste après le scrutin et la composition du gouvernement, je vous promets de revenir dans cette wilaya pour rester un, deux, trois, cinq jours jusqu'au règlement définitif de la crise de Ghardaïa", s'était-il engagé. "Je vais écouter toutes les parties et prendre les mesures nécessaires afin de trouver une issue à cette situation (...). Nous allons veiller, le Président et moi, à trouver des remèdes car il n'est pas normal que des enfants d'un même pays vivent ce différend éternellement", avait-il insisté, comme pour convaincre les populations locales de sa sincérité. Il a fallu deux mois à M. Sellal, reconduit entre-temps à la tête du gouvernement, pour fouler de nouveau le sol de la région, accompagné, cette fois, de ses ministres de l'Intérieur, Tayeb Belaïz, et de la Justice, Tayeb Louh. "Toutes les mesures nécessaires ont été prises durant cette visite pour un retour à la normale à Ghardaïa", a alors rassuré le Premier ministre, avant d'ajouter : "J'ai insisté pour que la loi soit scrupuleusement appliquée contre quiconque s'avise d'attenter à l'ordre public (...) La justice jouera son rôle et les services de sécurité accompliront leur mission car il faut préserver la sécurité et la stabilité." Cette visite, effectuée au lendemain de la décision présidentielle de faire une permutation entre les walis de Ghardaïa et Tamanrasset, a suscité de grands espoirs auprès des populations locales qui ont hâte de voir leur cité réconciliée avec sa sérénité d'antan. Elles vont vite déchanter ! Le 1er jour du Ramadhan, un jeune étudiant mozabite a été assassiné à coups de pierres et de projectiles dans la ville de Ghardaïa. Et au lendemain de l'annonce par le ministre de l'Intérieur de la mise en place d'un plan judicieusement ficelé visant la restauration de la sécurité et de l'ordre public dans cette wilaya, un deuxième assassinat, en l'espace de 10 jours, d'un Mozabite a replongé la région dans les affres de la violence. C'est dire que toutes les mesures annoncées ou prises jusqu'ici par le gouvernement n'ont été d'aucun effet sur cette crise sanglante qui secoue le M'zab et qui bouclera bientôt sa première année. Autrement dit, les vraies causes de l'impasse ne sont pas, à ce jour, attaquées de front par les autorités centrales. Dans sa lettre ouverte au peuple algérien publiée mercredi dans la presse, le Comité de coordination et de suivi de la crise sécuritaire — CCS Pôle de la société civile à Ghardaïa — a pourtant clairement établi les causes du mal qui ronge Ghardaïa. "Le problème au M'zab n'est en réalité ni une confrontation entre l'ibadisme et le malékisme, ni entre populations amazighophone et arabophone. Le problème réside dans l'exploitation éhontée et cynique, par les décideurs des clans incriminés du système politique, des différences assumées, des frictions et malentendus liés aux pesanteurs sociologiques encore vivaces, pour attiser les démons de la haine, susciter les violences et développer un discours visant à briser la spécificité multidimensionnelle du M'zab, et assurer son nivellement par le bas", ont-ils écrit. Le problème est donc politique et les animateurs de ce comité ont clairement désigné du doigt les clans du système et la "passivité" des services de sécurité. La solution ? Pour les Mozabites, cela passe nécessairement par l'application stricte des lois de la République. A. C. Nom Adresse email