La cérémonie de recueillement à la mémoire de Kasdi Merbah, ancien patron des services et ancien chef de gouvernement, assassiné le 21 août 1993 par un groupe armé islamiste près d'Alger, a eu lieu jeudi dernier au cimetière d'El-Alia. Des membres de sa famille, des amis, des ex-membres du Malg, d'anciens ministres et chefs de gouvernement, tels que Sid-Ahmed Ghozali, des membres de l'ONM et de la Fédération de France, à leur tête Ghafir Mohamed dit Moh Clichy et d'anciens joueurs de la JSK ont assisté à cette 21e commémoration. Une gerbe de fleurs a été déposée sur sa tombe et la Fatiha a été lue par l'historien Belkacem Babaci. Une minute de silence et de recueillement a été ensuite observée. Belkacem Babaci a prononcé une brève allocution dans laquelle il relatera le parcours du défunt, mettant en exergue son patriotisme et son engagement sans faille au service de la patrie et de son peuple depuis son plus jeune âge. "Aujourd'hui, je suis ému devant cette situation. J'ai eu le privilège de travailler à ses côtés. Quoi que l'on puisse dire de lui, les mots ne suffiront jamais assez pour parler de ce grand personnage de l'Etat. Doté d'une intelligence hors du commun, sa seule préoccupation était de servir le pays. Il n'a jamais cautionné les basses-cours du pouvoir qu'il méprisait par dessus tout. Un homme d'Etat digne. Il a été assassiné pour avoir engagé des pourparlers avec différents courants politiques dans le seul but de mettre fin à l'effusion de sang, car il aimait l'Algérie et son peuple qu'il portait dans son cœur. Ceux qui voulaient mettre à feu et à sang le pays voyaient en sa démarche un danger pour leur intérêt personnel", dira Babaci. De son côté, Sid-Ahmed Ghozali, ex-ministre des Finances sous le gouvernement Merbah, et ex-chef de gouvernement de l'ère Boudiaf, apportera son témoignage sur les qualités morales et sur la clairvoyance du défunt, le qualifiant d'homme d'Etat qui a toujours servi le pays sans concession. "J'ai servi sous ses ordres et j'étais le seul ministre de son gouvernement à être reçu chaque matin pour suivre l'évolution de la situation financière du pays. Nous avions accepté cette noble mission pour sauver l'Algérie qui était en flammes. Les caisses étaient vides et nous comptions les sous au dinar près, mais avec sa vision, nous avons pu redresser la barre", dira-t-il. Il s'attardera sur l'épisode de son limogeage du poste de chef de gouvernement par l'ex-président Chadli Bendjedid, qu'il qualifiera d'"anticonstitutionnel". En effet, poursuivra Ghozali, selon la Constitution de 1989, le chef de gouvernement n'était pas responsable devant le chef de l'Etat, mais devant l'APN, institution élue par le peuple. "Il a été accusé à tort d'avoir voulu vendre l'or de l'Algérie pour renflouer les caisses et je témoigne ici que tout cela était faux et que pas un seul gramme d'or n'a été vendu pendant qu'il était à la tête du gouvernement. D'ailleurs, j'ai fait une mise au point devant l'APN, ce qui avait déplu à ses détracteurs", a-t-il ajouté. Sid-Ahmed Ghozali relatera aussi la campagne de presse particulièrement virulente dirigée contre lui à l'époque par certaines officines du pouvoir. Pour son assassinat, il le qualifiera de "politique" et l'assimile à celui de Boudiaf. "Je n'ai pas les éléments matériels pour me prononcer. Mais après analyse et au vu de ses démarches pour la paix, nous pouvons tout de suite analyser les tenants et aboutissants de cet assassinat", dira l'ancien chef de gouvernement. En ce qui concerne l'absence des officiels à la cérémonie, il soulignera que "ce n'est pas d'aujourd'hui que les officiels boudent ce genre de cérémonie. Car le système gratifie d'abord ses serviteurs, mais non pas les serviteurs de l'Algérie. Le système en place n'est pas hanté par les problèmes de l'Algérie, mais par sa propre survie et le souci de sa pérennisation. C'est ce qui arrive toujours dans ces situations, car l'ambition personnelle prime sur l'intérêt général. Le régime en place n'aime ni l'Algérie ni les Algériens", a-t-il conclu. Ghafir Mohamed, connu sous le nom de guerre Moh Clichy, membre responsable de la Fédération de France du FLN, dit ne pas avoir connu Kasdi Merbah durant la guerre de Libération car ils combattaient dans des zones différentes (lui à Paris et Merbah dans la Wilaya V), mais il témoigne l'avoir rencontré à l'époque où le défunt était à la tête de la Santé. "Sollicité pour le développement de la fabrication du médicament en Algérie par un laboratoire privé, il avait donné son accord et avait même encouragé tout investisseur algérien à apporter sa contribution dans la construction du pays et le développement de son économie par la création de richesses et de postes d'emploi", a-t-il déclaré. De son côté, sa famille a rendu public un communiqué signé par ses trois sœurs, à travers lequel elles exigent la vérité sur ce qu'elles qualifient "d'assassinat politique". Selon le communiqué, l'enquête, qui s'ensuivit après son assassinat, "a été bâclée". La famille demande "l'ouverture d'une véritable enquête judiciaire menée par des juges d'instruction indépendants et intègres, ayant les coudées franches dans toutes leurs investigations et pouvant bénéficier de notre concours, si modeste soit-il, en notre qualité de partie civile jamais entendue à ce jour". A. D. Nom Adresse email