Présentée dimanche dernier à la grande salle Mustapha-Kateb du Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi, dans le cadre de la compétition du 9e Festival national du théâtre professionnel d'Alger (FNTP), la pièce s'intéresse au rapport de l'homme avec les pouvoirs religieux et surtout politique. Produite par le Théâtre régional de Batna, mise en scène par Djamel Marir et écrite par Mohamed Bourahla, Laylat ghadhab al aliha s'intéresse au destin de quatre frères, qui passent une année en prison sans connaître les raisons de leur arrestation. Tout au long de cette année, entre quatre murs, ils se jettent la pierre, s'accusent mutuellement, se chamaillent..., chacun tente de sauver sa peau. Les liens fraternels s'effritent et les individualités s'affirment. Le groupe, la famille, le clan n'existent plus pour ces quatre individus. Ils ne pensent même plus à vivre mais à survivre. Pourtant, au milieu de ce chaos et de cette déliquescence, un des quatre personnages, l'aîné sans doute, que tout le monde (y compris ses autres frères) considère comme fou, arbore un discours d'une grande lucidité. Il tente, par ses mots et ses gestes parfois fantaisistes, à leur ouvrir les yeux sur leur condition, leur soumission à des dieux qui n'existent pas ou peut-être que dans l'imagination de ceux qui les vénèrent. Il essaie de leur expliquer que les dieux ne peuvent pas être aussi injustes ; que leur condition d'humains soumis, avilis par plus fort qui règne en maître absolu et s'autoproclame porte-parole des dieux, n'est pas irréversible. Ce n'est qu'une diversion pour le gouvernant afin d'arriver à ses fins. L'autre diversion est de les avoir enfermés dans une prison sans motif valable – sans motif, tout court, en fait – et de les maintenir non seulement dans le doute et la méfiance mais également dans l'attente. L'expression "diviser pour régner" prend tout son sens dans ce cas. Un beau jour, le grand prêtre vient les trouver pour leur annoncer qu'ils ont mis les dieux en colère et que leur salut et celui de toute la ville dépend du sacrifice de l'un d'entre eux. Qu'ont-ils bien pu faire pour réveiller la colère des dieux ? Le texte de Mohamed Bourahla, qui sur un tempo païen "déballe" des vérités et expose des réalités, s'intéresse aux pouvoirs religieux et politique et leur emprise sur les individus. Car on ne discute pas la volonté des dieux. L'auteur insiste également sur l'aspect irrationnel de la soumission. Ce qui entraîne la disparition du libre-arbitre et de la lucidité qui est assimilée à l'aliénation. La résistance est une haute trahison et la vérité n'a plus de place. La mise en scène de Djamel Marir a réellement porté le propos du dramaturge, le but semblait être la mise en valeur du texte qui compte plusieurs belles tirades, mais surtout du jeu d'acteur. Inspiré de plusieurs courants de théâtre, ce spectacle a donné une place importante à la chorégraphie qui n'a aucunement été accessoire, et a permis de découvrir de brillants acteurs, notamment Samir Oudjit. Il a excellé dans son interprétation du rôle de l'un des quatre frères, en nuançant son jeu et en s'appuyant sur une palette assez large de caractères. L'autre grande réussite de ce spectacle est le rythme, qui a été juste du début jusqu'à la fin, ce qui a maintenu l'attention des spectateurs. Laylat ghadhab al aliha est un sérieux prétendant pour le Grand Prix du FNTP, tant par son propos que par sa mise en scène ou encore l'interprétation de ses acteurs. S. K. Nom Adresse email