Pour l'avant-dernière soirée de compétition de la 6e édition du Festival national de théâtre professionnel (Fntp), la troupe El Derb el Assil de Laghouat a fait une entrée magistrale dans la cour des grands avec la pièce le Mur. Lauréate du Grand Prix du Festival national de théâtre de Sidi Bel Abbès, la troupe d'amateurs a arraché sa participation au Fntp. Ecrite par Kader Dhou el Fakar et mise en scène par Haroun el Kilani, la pièce a carrément subjugué le public qui est resté scotché tout au long des 50 minutes qu'a duré la représentation. Fait exceptionnel, la représentation s'est déroulée dans un silence comme on n'en a jamais «vu» durant les précédentes. C'est dire le succès qu'a eu le Mur…Lever du rideau. Une scène nue. Deux petits sceaux constituent le décor. La salle est plongée dans l'obscurité. Un homme est dans un halo de lumière. Une ambiance d'angoisse et de malaise plane. Un deuxième personnage se rapproche de lui et s'agenouille. Le jeu des deux comédiens est impeccable.Une expression populaire dit : «Si les murs pouvaient s'exprimer…», ils témoigneraient de ce qu'ils ont vu et entendu. La pièce fait parler deux murs, qui décident de dévoiler les vérités qu'ils ont vécues. Et ils ont bien des choses à dire, des vérités accablantes et des images sanglantes dont ils portent l'empreinte.En donnant vie à ces murs, le metteur en scène a fait du décor un acteur à part entière, l'élément majeur de la représentation. Entre ces deux murs de béton, des esprits jaillissent sous la forme d'une dizaine de personnes voilées de longs draps blancs. Ces âmes errantes cherchent la délivrance que seuls les murs peuvent leur procurer. Au fond de la scène, une porte s'ouvre, attirant ces fantômes. C'est la porte de l'enfer. La mise en scène surréaliste reflète l'obscurité du purgatoire.La scénographie intègre également les quatre éléments de la nature, l'air, le feu, la terre et l'eau. Pour les besoins de la pièce, le metteur en scène n'a pas hésité à rompre avec la traditionnelle occupation de l'espace scénique et cela, en optant pour une occupation totale de la scène, y compris les voûtes du TNA. Haroun el Kilani, en un fin metteur en scène, a également su intégrer des scènes pertinentes comme celles où des fantômes enchaînent le mur.Interprétée en arabe classique, la pièce allie théâtre conceptuel et de l'absurde. El Kilani a d'ailleurs tout misé sur la mise en scène et l'éclairage. Et il a très bien fait les choses. Grâce à une admirable conception de l'éclairage, il a réussi à rendre les ambiances sans pour autant avoir recours à la scénographie. Bravo ! Un autre point positif ira à l'excellente interprétation des comédiens, y compris le jeune Mokhtar Zaïtri qui, du haut de ses 14 ans, a su en imposer à plus d'un.Dégageant une forte émotion à en donner la chair de poule – certains ont même laissé perler des larmes –, la pièce de Haroun el Kilani a placé très haut la barre de la compétition. On ajoutera la très belle sélection de compositions musicales qui ont accompagné la pièce. Un amateur de théâtre nous dira à la fin du spectacle : «J'ai l'impression que la compétition du festival vient de commencer, à deux jours de sa clôture.» W. S.