La sortie d'un ministre de la Justice est un fait rare. Généralement, on se contente d'un communiqué laconique beaucoup plus pour une réplique que pour une information. Tayeb Louh vient de casser un tabou, en invitant les médias à une conférence de presse. Si l'ordre du jour était les projets de réformes initiées par son département, il n'en demeure pas moins que des messages étaient lancés. Il reconnaît que la mission de rendre la justice plus efficiente se heurte à certaines lourdeurs bureaucratiques et que certaines mentalités restent encore réfractaires à la modernité et à l'efficacité. Une sorte de torpeur qui s'explique, en partie, par le chiffre énorme de 250 000 affaires pendantes à la Cour suprême, alors que la majorité aurait dû trouver un règlement au niveau des autres juridictions : tribunal ou cour. L'autre message, et certainement le plus important, est celui des libertés individuelles. Le choix de l'endroit de la conférence de presse (la cour d'Alger) n'est pas fortuit. C'est une interpellation directe adressée au parquet pour assumer les prérogatives que lui confère le code de procédure pénale. Entre autres, faire respecter la durée de la garde à vue qui ne doit pas dépasser les 48 heures ou encore assurer la vie privée des personnes et la garantie du secret des correspondances. En un mot, sous le libellé des libertés individuelles, le ministre demande aux procureurs de la République d'être les garants de ces fondamentaux, inscrits dans la Constitution. La Police judiciaire et autres services doivent être sous leurs ordres. C'est pour tout cela que la sortie du ministre peut être considérée comme un événement pour peu que les magistrats, réputés être indépendants, prennent à la lettre ses directives. Comme par exemple, user et même abuser d'auto-saisines à chaque fois qu'une information est rendue publique, pour peu qu'elle soit crédible et fiable. Long chemin à parcourir pour ce secteur si craint et si haï par les justiciables, mais le chemin de croix (au sens que le magistrat ne doit obéir qu'à sa conscience), même semé d'embûches, reste ce cap pour une justice juste et équitable. Le feu vert étant donné, il ne reste plus aux magistrats qu'à s'assumer en leur âme et conscience, quitte à couper le téléphone le temps des délibérations. O. A. [email protected] Nom Adresse email