Une grave menace pèserait sur le pays, à en croire le ministre des Affaires religieuses : il courrait le risque de se voir envahi par "des courants qui ont profité des perturbations intervenues dans le monde arabo-musulman via ce qui est appelé le Printemps arabe pour conforter leur place en Algérie et tenter de déstabiliser le pays". Et "ces sectes greffées des déviations de pratiques des religions musulmane et autres que musulmane comme l'ahmadisme, le takfirisme, le bahaisme, le... chiisme (!)", etc., qui seraient susceptibles d'"intoxiquer" les hadjis et qui s'infiltreraient aussi dans les campus universitaires... Vraiment ? Les télévisions privées, qui s'emploient à surveiller les étudiantes "faisant le mur" des résidences, ne les ont donc pas vu passer, ces courants sectaires... "Nous craignions le Printemps arabe", a concédé le ministre, tout en soulignant que "l'Algérie est une île parmi les pays arabes et musulmans à être immunisée de cette contagion d'instrumentalisation de la religion à des fins politiques"... Malgré sa crainte, le ministre a donc voulu se montrer rassurant en proclamant que l'Algérie, du fait de sa douloureuse expérience des années 90, était "immunisée de la contagion d'utiliser et d'instrumentaliser la religion à des fins politiques". Ajoutant qu'elle "a pu, par le cautionnement des imams et des mosquées, défendre son référent religieux national". Après tous ces "réconfortants" rappels, l'on se demande ce qui peut bien inquiéter notre ministre du Culte... Si ce n'est, justement, le spectre du "printemps". Car, enfin, l'instrumentalisation de la religion par les dictatures "arabes", dont la nôtre, a précédé le phénomène de "printemps". Un régime qui légalise les partis islamistes, et qui s'y allie dans l'exercice de son pouvoir, n'est pas en droit de poser la question de l'instrumentalisation de la religion : il la pratique ! Ce qui est menaçant pour le pouvoir, ce n'est pas tant le fait que les "sectes" puissent squatter l'opportunité "printanière" pour s'infiltrer dans le pays : elles y sont depuis longtemps. Il suffit de se rendre au salon national du livre pour mesurer l'étendue des boulevards ouverts aux Etats prêcheurs du Golfe et à leurs venimeuses dépendances "caritatives" et "culturelles". Ce sont les mots d'ordre de "dégage" et de "liberté" brandis, pour la première fois, par d'immenses foules "arabes", et trop longtemps répercutés par les médias universels, qui ont traumatisé nos dirigeants. Et ce sont toujours les islamistes qui, partout où "le printemps" s'est manifesté, ont volé au secours du pouvoir total contre l'aspiration démocratique. Historiquement, l'instrumentalisation de la religion a eu pour fonction de contrer la revendication démocratique des élites "arabes" progressistes. Et ce sont les autocraties arabes qui ont introduit les manipulateurs du sentiment religieux. En commençant par le campus, justement ! L'université algérienne peut en témoigner, puisque la première victime de la violence islamiste fut un étudiant militant de l'identité, assassiné dès 1982 ! Là est le paradoxe des dictatures "arabes" : autant ont-elles besoin de l'islamisme pour combattre le progrès, autant le craignent-elles pour sa nature belliqueuse. Là est peut-être aussi le sens du recours incantatoire à "l'immunité" par notre ministre. M. H. [email protected] Nom Adresse email