Le fait est assez inhabituel pour échapper au regard des observateurs : rompant avec sa réserve traditionnelle qui lui a valu le qualificatif consacré de "Grande Muette'', l'Armée algérienne s'est particulièrement projetée, ces jours-ci, au-devant de la scène, au point de faire de l'ombre à toutes les institutions de la République, la Présidence en premier lieu. Depuis l'enlèvement, puis deux jours plus tard, l'exécution du guide touristique français, Hervé Gourdel, le ministère de la Défense "bombardait'' à tout-va l'opinion publique de communiqués faisant part de tout un éventail d'actions menées par les éléments de l'ANP allant des actions menées dans le cadre de la lutte antiterroriste jusqu'à la lutte contre la contrebande en passant par la lutte contre la drogue et l'immigration clandestine. Rien qu'en ce mois d'octobre, 8 communiqués ont été rendus publics par le MDN qui, du 21 au 30 septembre, en avait publié 5 autres. Passons sur la sortie, quelque peu inédite, du vice-ministre de la Défense nationale et chef d'état-major de l'Armée, Gaïd Salah, qui, le jour de l'Aïd, a tenu à présenter ses vœux à ses troupes en les exhortant "à observer un surcroît de vigilance et à faire preuve davantage de courage, de sacrifice et d'abnégation pour faire échec à toute tentative de régénérescence du terrorisme". Mais que cache cette communication tous azimuts de l'ANP ? S'agit-il là d'une nouvelle orientation en matière de communication imprimée par Gaïd Salah à son institution ? Possible. Toutefois, d'autres lectures peuvent en être faites, surtout que les Algériens étaient habitués à davantage de "discrétion" de la part de l'ANP. D'aucuns peuvent se demander si les responsables militaires ne veulent pas épargner leur institution de tout reproche quant à un effilochement de la lutte antiterroriste et, partant, se laver les mains du sort réservé, le 23 septembre dernier, au ressortissant français. Il n'est pas exclu aussi que cette médiatisation à outrance des multiples actions menées sur le terrain ait pour finalité de rassurer les Algériens mais aussi les ressortissants étrangers et les partenaires de notre pays quant à la grande vigilance des militaires qui veillent au grain et qui ne cessent d'asséner des coups aux organisations terroristes. Le message subliminal que les responsables militaires veulent faire passer est que le dernier acte terroriste n'a en rien entamé l'engagement de l'Etat algérien à venir à bout du fléau terroriste et, partant, à assumer ses missions régaliennes. Autre hypothèse à prendre en compte : la présente hypertrophie communicationnelle de l'Armée peut avoir pour but de compenser, un tant soit peu, la déficience des autres institutions de la République qui, en ces temps d'incertitude, communiquent peu et... souvent mal, quand elles le font.