Le mouvement abolitionniste en Algérie, et dans la région Afrique du Nord et Moyen-Orient en général, est pénalisé par l'instabilité politique, la faiblesse de l'Etat et l'emprise de la religion sur la question de la peine de mort. Ce sont là les conclusions d'un séminaire international organisé par le Parlement français les 9 et 10 octobre, à l'occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort. Paris De notre correspondant L'Algérie a été représentée à ce rendez-vous important par Mohamed Bedjaoui, en sa qualité de membre de la commission internationale contre la peine de mort. Présidant l'atelier consacré aux états des lieux, l'ancien ministre des Affaires étrangères algérien a réaffirmé que «la peine de mort est une atteinte à l'un des droits fondamentaux de l'homme, celui du droit à la vie». Le conférencier a exigé d'exclure des débats la question religieuse et la charia comme condition à l'aboutissement du mouvement abolitionniste dans les pays arabes. «Le code pénal des 22 pays arabes ne se base pourtant pas sur la religion», souligne-t-il après avoir auparavant regretté que «le pouvoir islamiste dans le réseau MENA existe. Ce pouvoir est apparent ou rampant en attendant son heure». Concernant, notre pays, M. Bedjaoui a critiqué ouvertement la faiblesse du pouvoir politique : «En Algérie, on annonce des réformes : constitutionnelles, code électoral… et même des augmentations de salaires uniquement pour anesthésier le mouvement social. L'abolition de la peine de mort, c'est le rôle de l'Etat et non pas de la société civile, alors que l'Etat lui-même est en panne.» Puis, l'avocat Miloud Brahimi, ancien président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), a pris la parole pour tracer brièvement un état des lieux du mouvement abolitionniste en Algérie, depuis 1962 à nos jours. Il a rappelé que «le débat sur l'abolition de la peine de mort a été entamé dès l'indépendance. Depuis 1993, date de la dernière exécution, notre pays a aboli de fait la peine de mort, en acceptant de signer un moratoire international». Me Brahimi a indiqué que «le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a exprimé plusieurs fois sa position en faveur de l'abolition, mais n'a jusqu'à maintenant pas pris de décision politique dans ce sens». «Personnellement, je pense qu'il faut aller vers une alliance du mouvement abolitionniste régional pour constituer un groupe de pression qui impose aux Etats arabes l'abolition de la peine de mort», a-t-il conclu. Bien qu'on ne dispose pas du nombre des condamnés à mort exécutés dans notre pays depuis l'indépendance, il est important de noter que 677 condamnations à mort sont en cours, dont 153 ont été prononcées en 2012. Les principaux chefs d'inculpation sont liés aux crimes de sang les plus graves et quelques crimes contre la sûreté de l'Etat, notamment les actes terroristes. Jusqu'à 1993, la justice algérienne utilisa le peloton d'exécution (armes à feu) pour la mise à mort des condamnés. Après l'abolition de fait de 1993, plusieurs révisions du code pénal, surtout depuis 2001, ont réduit le champ d'application de la peine de mort. En 2010, l'Etat algérien a parrainé et voté en faveur de la résolution 65/206 de l'Assemblée générale des Nations unies relative à l'adoption d'un moratoire sur l'application de la peine de mort. A partir de 2011, l'Algérie est l'un des pays cible d'un projet d'ensemble contre la peine de mort, dont l'objectif est de porter le mouvement abolitionniste au Maghreb et au Moyen-Orient. En 2012, notre pays a renouvelé son vote en faveur du moratoire des Nations unies.