Deux articles tirés du même journal en ligne et mis côte à côte par un site de revue de presse. Le premier rapporte l'initiative d'un front de la "sahwa islamia" d'une "campagne de purification" visant "à nettoyer le pays des lieux de débauche et des maisons de rendez-vous qui se propagent dans les différentes wilayas du pays". Le chef du "front" promettant clairement de "purifier" les wilayas... côtières des lieux "de débauche, de vice... et des bars". Le second reprend des statistiques de la Sûreté nationale sur la criminalité. L'auteur soumet ce bilan au commentaire d'un professeur en sciences humaines, Lamouri Alliche. Et celui-ci explique que c'est la privation de ses "besoins fondamentaux et biologiques" du citoyen qui est à l'origine de la propagation de la criminalité dans la société algérienne. Confrontons les deux discours ! L'un est radical (nettoyer, purifier) et direct (maisons de rendez-vous, bars...) et nomme les choses par leur nom, qu'il s'agisse de ses intentions ou de ses cibles. L'autre se veut ésotérique parce que scientifique (besoins fondamentaux et biologiques). Mais quels sont ces "besoins fondamentaux et biologiques dont le non-assouvissement expliquerait la violence du citoyen ?" Biologiquement, l'être humain a besoin d'alimentation, d'oxygène et de sexe. Pourquoi donc ne pas nommer ces "besoins" dans une expression publique ? Le professeur, craindrait-il de heurter les oreilles chastes de ces pousse-au-crime qui, eux, ne se privent pas de désigner crûment leurs cibles, en parlant de maisons closes, par exemple ? Ce "spectacle" d'un agitateur obscurantiste en posture offensive et à la langue déliée, d'un côté, et d'un homme de sciences timoré, usant d'un langage abscons pour ne pas avoir à assumer sa divergence d'analyse avec la "pensée" belliqueuse, de l'autre, résume, à lui seul, l'issue coutumière de la confrontation de la raison et du dogme. Là où le prêcheur virulent appelle clairement à brûler les "lieux de débauche", l'homme de savoir rappelle une vérité scientifique, à savoir que la répression des besoins sexuels de l'homme est la principale cause de sa violence, mais en des termes académiques qui relèvent plus de l'insinuation que de la volonté — du devoir — de désigner nos maux. S'il n'y a pas de débat sur ces maux, c'est justement parce que ceux qui sont en mesure, en droit et en devoir d'en parler le fuient. En parlent avec une retenue telle que l'on n'entend plus que les vociférations des prêcheurs de la terreur et des vigiles haineux. Secondés d'ailleurs, dans leur désir de régenter nos vies, par une "société civile" en partie disposée à leur désigner leurs proies. Sinon, que peut bien venir faire un président d'association de consommateurs dans une action de milice des mœurs, pour s'y faire défenseur de "la foi islamique" contre ceux qui "boivent du vin" ou "ne jeûnent pas durant le Ramadhan" ?! Si depuis trente ans, l'intégrisme s'est imposé comme régisseur de la vie des Algériens, c'est parce que les "penseurs rationalistes" ont fini par emprunter, à la suite des politiques, la voie du "sauve-qui-peut", laissant le citoyen à la merci de la terreur "intellectuelle" et physique de l'obscurantisme. M. H. [email protected]