Cheikh Echioukh Chérif, régisseur général au Théâtre national algérien (TNA) et diplômé en régie de plateau à Châlons-sur-Marne (France) en 2002, estime dans cet entretien que la formation des techniciens en théâtre aux nouvelles technologies est devenue indispensable, surtout que l'Algérie aura, à l'avenir, un grand opéra d'Alger. Il mettra en exergue, par ailleurs, l'importance du soutien du ministère de la Culture et des autorités locales pour la formation de ces techniciens à travers des stages, d'autant plus que l'Algérie ne possède toujours pas d'écoles spécialisées dans le domaine de l'art des métiers techniques de la scène. La Nouvelle République : Avant toute chose, pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le travail d'un régisseur général ? Cheikh Echioukh Chérif : Le régisseur général dans un théâtre est le collaborateur direct du directeur technique. Il assure le planning des techniciens, que ce soit pour les tournées, les répétitions, les représentations.... et il veille, aussi, sur le matériel technique et sa maintenance. Et pour être régisseur général, il faut passer d'abord par le métier de régisseur artistique qui est le fil conducteur de la scène, il assure le montage technique, artistique et administratif d'un spectacle, puis par le métier de régisseur «son et lumière» qui s'occupe de la gestion du matériel et responsable de l'installation de la lumière et son. Et enfin par le métier de régisseur de plateau, qui est aussi responsable du décor, en assurant le bon déroulement du plateau. Est-ce que le régisseur doit avoir un bagage technique et informatique ? Le régisseur doit être technicien et informaticien, il doit connaître toutes les techniques de montage, d'éclairage, machinisme, costumes, etc. et il doit être en même temps informaticien d'autant plus que pour monter un spectacle, aujourd'hui, il existe des logiciels spéciaux pour la conception du décor et de la lumière. Je dirai qu'il doit être un vrai connaisseur de ces outils technologiques qui servent, bien sûr, à l'enrichissement de la création théâtrale. Car, actuellement, il y a des théâtres développés qui utilisent par exemple des effets «Tocata». Des machines à neige, c'est magnifique à voir... Et pour appliquer ces nouvelles technologies dans le théâtre, je dirai que la formation des techniciens en théâtre en Algérie est devenue indispensable pour le bien du théâtre et de la culture algérienne. La réussite d'une pièce théâtrale ou d'un spectacle nécessite la combinaison de plusieurs autres métiers spécialisés dans l'art de la scène. Parlez-nous de ces métiers... La réussite d'un spectacle, qu'il soit théâtral ou artistique, nécessite la combinaison de plusieurs métiers spécialisées dans l'art de la scène et que l'on ne voit pas sur scène, à savoir : le métier de l'éclairagiste, celui qui gère la création et la conception de la lumière, le sonoriste qui assure le son, les machinistes et cintriers (ceux qui s'occupent du nettoyage de la scène, du montage et du démontage du décor, du chargement et du déchargement du décor, assurent la maintenance des perches et le fonctionnement de la cage de la scène, les accessoiristes qui font et choisissent les accessoires de la pièce et enfin les costumiers et les couturiers. Le rôle du costumier est très important dans une pièce de théâtre. En quoi consiste vraiment son rôle ? Le costumier conçoit et réalise les costumes pour les spectacles, il est le créateur de costumes et son rôle est très important du fait qu'il est l'habilleur des artistes, il choisit les couleurs et les formes des vêtements selon le thème de la pièce ou le spectacle joué. Seulement il faut qu'il soit, lui aussi, formé, il doit connaître, par exemple, toutes les époques historiques d'un spectacle pour lesquelles il doit choisir les costumes appropriés à cette période. Parlons de la formation des techniciens en théâtre aux nouvelles technologies. Trouvez-vous cela important pour entraîner un changement dans l'art de la scène ? La formation des techniciens aux nouvelles technologies va, certainement, entraîner un grand changement dans l'art de la scène, d'autant plus que l'Algérie aura, à l'avenir, un grand opéra d'Alger implanté dans la région d'Ouled Fayet. Ce mégaprojet culturel ressemble à l'opéra de Pékin du point de vue gradins et scène. Ce qui nécessitera le soutien du ministère de la Culture et des autorités locales pour la formation des jeunes techniciens ou de les envoyer faire des stages de perfectionnement ou de recyclage. C'est la seule chose à faire du fait que l'Algérie ne possède pas d'écoles spécialisées (publiques ou privées) dans le domaine de l'art des métiers techniques de la scène. Y a-t-il vraiment des techniciens en théâtre qualifiés en Algérie ? Oui, mais ils sont vraiment rares. Il faut qu'il y ait plus de techniciens qualifiés et diplômés parce que, aujourd'hui, il y a une autre réflexion qui est basée sur l'utilisation de nouvelles technologies. C'est pour cette raison qu'il faut former des techniciens qualifiés et aussi professionnels. Parlons du mégaprojet d'Ouled Fayet. Est-ce que, selon vous, ce grand opéra contribuera au développement du théâtre algérien ? Certainement ! Le grand opéra d'Alger contribuera au développement du théâtre algérien, vu son immensité et peut contenir un grand nombre de spectateurs. Je pense aussi que ce grand opéra sera pour l'Algérie un grand pôle pour les échanges culturels entre l'Algérie et les autres pays. D'autant plus que cet opéra abritera, à l'avenir, les plus grands festivals du théâtre du monde. Seulement, et j'insiste sur ce point, cet opéra doit être doté d'un personnel technique et artistique très qualifié et formé qui pourra donner le meilleur au public algérien. Y a-t-il vraiment un public connaisseur de l'art de la scène ? Oui, la preuve que parfois durant les représentations, nous sommes coincés en fin de spectacle ou de pièce par des spectateurs qui nous conseillent de changer, par exemple, les couleurs de la scène théâtrale, parfois, ils nous demandent de mieux régler le son ou bien de réguler la lumière qui est l'élément fondamental pour la beauté et l'esthétique de la pièce théâtrale ou du spectacle ou encore de changer quelques éléments du décor. Je dirai que parmi ce public, il y a des médecins, des ingénieurs et même des gens qui sont de vrais connaisseurs des arts de la scène. Le public algérien boude actuellement les salles de théâtre. A quoi cela est-il dû selon vous ? Je peux dire que cela est dû au manque d'information qui est, majoritairement, insuffisante pour le public et cela est dû, aussi, à la médiocrité de certains textes ou pièces théâtrales qui ne sont pas à la hauteur. Le public, aujourd'hui, a besoin d'un théâtre qui parle de lui, de ses problèmes, de son identité, de ses maux sociaux... Je signale aussi que, pour faire aimer le théâtre au public, on commence par nos enfants, il faut qu'on enseigne des modules qui ont une relation avec le théâtre dans les écoles pour que l'enfant puisse aimer le théâtre et de cette façon on pourra former un public du théâtre. Est-ce que la modernisation des théâtres influencera le retour du public aux salles du théâtre ? C'est sûr ! Cette modernisation contribuera au retour du public dans les salles de spectacle. Il faut donc généraliser ces pratiques technologiques dans nos théâtres, et heureusement, aujourd'hui, il y a quelques théâtres en Algérie qui commencent à pratiquer ces nouvelles technologies.