La 2e République est née dimanche en Tunisie. L'Instance supérieure indépendante des élections (Isie) chargée de les organiser n'a donné aucun résultat de ce scrutin qui a drainé 61,8% des 5,3 millions d'électeurs inscrits en Tunisie et 29% des inscrits à l'étranger, et qui s'est déroulé dans une ambiance "bon enfant" et dans une sécurité totale assurée par 100 000 policiers, gardes nationaux ou militaires et agents assimilés. Ceux-ci ont sécurisé les entrées des villes et les 11 000 bureaux de vote. En l'absence de résultats officiels, annoncés pour le 30 octobre, un sondage d'opinion suivi par les téléspectateurs a donné vainqueur le parti de Béji Caïd Essebsi, Nidaa Tounes. Celui-ci obtiendrait la première place avec 36% des voix, devançant son principal rival, le parti islamiste de Rached Ghannouchi, Ennahdha, avec 24% de voix, en nette régression par rapport aux élections de 2011. Ce serait, donc, un vote sanction venu punir le parti islamiste pour sa gestion calamiteuse des affaires publiques après 2011. Un vote contre le type de société que le parti islamiste cherchait à imposer à la population. En revanche, comment expliquer le vote en faveur de Nidaa Tounes, considéré comme un "laboratoire" de recyclage des anciens du RCD de Ben Ali ? Est-ce la nostalgie ? Ces résultats montrent, également, le recul des autres partis de la coalition conduite, à l'époque, par le parti islamiste. Ainsi, Ettakattol de Mustapha Ben Jaafar, président de l'ANC, et le Congrès pour la République (CPR) du président Marzouki auraient payé la facture de leur alliance avec le parti islamiste dans le cadre d'une troïka, au lendemain des élections de 2011. La surprise ne réside pas dans le fait que Nidaa Tounes ait raflé la mise, mais plutôt dans l'écart enregistré entre son score et celui des autres partis, en particulier Ennahdha. Côté participation, seulement 3 millions d'électeurs sur les 5,3 inscrits et sur les 8 millions en âge de voter ont pris part au scrutin. Ce silence observé par près de 5 millions de citoyens interpelle les futurs dirigeants du pays appelés à procéder à une analyse profonde de ces données pour trouver les solutions idoines aux problèmes dont souffre la jeunesse, grande absente dans ce scrutin. Ce taux de participation est différemment commenté. Certains le considèrent encourageant, en ce sens que les Tunisiens sont novices en matière électorale. Dans le camp opposé, on estime que le Tunisien s'est lassé de la politique et des politiciens qui, trois ans durant, ont multiplié les discours creux et vains. Mais, ce qui suscite le plus l'inquiétude, c'est l'abstention de la jeunesse qui a perdu toute confiance en une classe politique qui n'a pas répondu aux attentes exprimées par ceux qui se sont révoltés contre Ben Ali en janvier 2011. Des irrégularités ont été, certes, commises, mais sans conséquences directes sur les résultats du scrutin, de l'avis de la majorité des observateurs, y compris les étrangers. Ces résultats, s'ils venaient à se confirmer, auraient des conséquences sur le paysage politique qui connaîtrait une nouvelle configuration si les partis dits "petits" venaient à se dissoudre où à tenter des alliances entre eux pour créer, au moins, une "grande" troisième formation qui ferait face à la bipolarisation devenue, aujourd'hui, une réalité politique dans le pays. En définitive, rien n'est encore joué. Ces chiffres sont le fruit d'un sondage d'opinion dont l'Isie se démarque totalement. Cette instance compte prendre tout son temps, comme l'y autorise la loi, pour donner, au plus tard le 30 octobre, les résultats préliminaires avec le maximum de précision dans le but d'éviter d'éventuels recours. En tout état de cause, comme il s'agit d'un scrutin à la proportionnelle, ces résultats de sondage n'ont encore aucun sens dans l'attente des résultats définitifs qui seront proclamés au plus tard le 24 novembre, en cas de dépôt de recours auprès du tribunal administratif.