La classe politique est en effervescence en Tunisie. Les phases de dépôt des candidatures sont annoncées entre les 22 et 29 août, pour les législatives et entre les 8 et 22 septembre pour la présidentielle. Les médias tunisiens se disputent les scoops concernant les noms des têtes de liste de tel ou tel parti, notamment les mastodontes de la scène politique, Ennahdha et Nidaa Tounes. L'intérêt pour le parti islamiste trouve son origine dans le fait qu'il détient 89 sièges sur les 217 de l'actuelle Assemblée nationale constituante. Ennahdha risque de rafler la mise, encore une fois, en raison de sa forte implantation à travers le pays malgré l'impact négatif de son passage au pouvoir à la tête de la troïka. Pour ce qui est de Nidaa Tounes, le parti de l'ex-Premier ministre de transition, Béji Caïd Essebsi, tient sa force de son dirigeant fondateur. Béji Caïd Essebsi est un lieutenant de Bourguiba, dont les rapports avec son mentor ont connu des hauts et des bas en raison de la question démocratique. Il a également quitté très tôt le staff de Ben Ali, en 1991, après une seule année à la tête de la Chambre des députés. C'est encore la démocratie qui l'a éloigné du clan régnant. Béji Caïd Essebsi a fait un retour fracassant en politique, en mars 2011, lorsqu'il a été nommé Premier ministre de transition. Il a conduit la Tunisie jusqu'aux élections du 23 octobre 2011, avant de remettre le pouvoir aux islamistes d'Ennahdha, sortis victorieux de ce vote. Depuis, il a fondé Nidaa Tounes, un parti politique qui se prévaut des acquis civiques et des valeurs modernistes de la Tunisie et est parvenu à fédérer l'opposition à Ennahdha en son sein et dans son sillage. Ce sont les deux seules formations politiques à détenir des chances réelles de sièges dans toutes les circonscriptions de Tunisie, d'où cette bipolarisation annoncée. Les autres Bien sûr, il n'y a pas que ces deux partis sur une scène politique pléthorique en raison de l'impact d'une révolution-surprise. Il y a le Congrès pour la République (CPR) du président Moncef Marzouki, déjà divisé en trois petits partis. Le premier a conservé le nom original CPR ; il est dirigé par Imed Daïmi, un quasi nahdhaoui. Le deuxième, Wafa, dirigé par Abderraouf Ayadi, proclame la fidélité à la révolution. Le troisième groupuscule est le Courant démocratique, dirigé par Mohamed Abbou, un ex-prisonnier politique. Les branches de Daïmi et Abbou risquent de disparaître si Marzouki n'est pas réélu aux prochaines élections, ce qui est fort probable. Ayadi pourrait garder un groupuscule parlementaire défendant une tendance populiste islamisante. Ettakattol de Mustapha Ben Jaâfar, le président de l'ANC, risque de connaître la sortie par la petite porte après les prochaines échéances électorales. L'électorat social-démocrate, dont se prévaut Ben Jaâfar, n'a pas digéré l'alliance de ce dernier avec Ennahdha au sein de la troïka. Les résultats catastrophiques de cette gouvernance n'ont pas arrangé les choses pour ce parti et son dirigeant. Du côté de l'opposition et en dehors de Nidaa Tounes, il y a le parti de centre-gauche Al Massar, qui dispose déjà de 10 sièges à l'ANC et aspire à en conquérir davantage. Al Massar est dirigé par l'universitaire Samir Taïeb, actuel membre de l'ANC. Il y a également le Front populaire, qui est une mosaïque de petits partis nationalistes et marxisants, dirigé par Hamma Hammami, un opposant connu depuis l'époque de Bourguiba. Les élections législatives sont prévues pour le 26 octobre en Tunisie, alors que le premier tour de la présidentielle est annoncé pour le 23 novembre. La tension est déjà palpable au sein de la classe politique, en phase d'élaboration des listes, avec ce qui s'ensuit comme luttes intestines. Calendrier Le système électoral adopté par l'Assemblée nationale constituante est basé sur des listes de candidats par circonscription électorale. La Tunisie est divisée en 27 circonscriptions : une par gouvernorat mis à part Tunis, Sfax et Nabeul, qui sont divisés en deux circonscriptions. Le nombre de députés par circonscription varie selon le nombre d'habitants sur la base d'un député pour 60 000 habitants. Au niveau des résultats, le système électoral prévoit la proportionnelle aux plus forts restes, ce qui signifie que les sièges sont répartis proportionnellement entre les listes concurrentes et que l'affectation des sièges se fait selon l'ordre dans chaque liste. Pour ce qui est des présidentielles, tout candidat doit être parrainé. La loi électorale a prévu deux formules de parrainage. Il peut avoir le soutien de dix membres de l'Assemblée nationale constituante, comme il peut être parrainé par un minimum de 10 000 électeurs répartis sur dix circonscriptions au moins, avec un minimum de 500 parrainages par circonscription. L'énoncé de ces conditions, mardi dernier, par le président de l'Instance supérieure indépendante des élections (ISIE), Chafik Sarsar, a provoqué un tollé général chez les petits partis politiques. Pourtant, ces conditions existent dans la loi électorale votée en juin dernier. Plusieurs candidats autoproclamés aux présidentielles n'ont pas les moyens de rassembler ces parrainages. C'est un signe d'amateurisme d'une large frange de la classe politique.