Le FCE vient d'organiser une rencontre sur la genèse de la Révoltuion algérienne. Une opportunité pour deux brillants économistes d'esquisser un bilan social et économique, 60 ans après l'historique proclamation du 1er Novembre 1954. Le constat est mitigé : de multiples réalisations sont enregistrées, comme le niveau d'accès de la population au gaz, un seuil qui a dépassé celui de beaucoup de pays développés, le désendettement extérieur du pays. Mais les erreurs, qu'on aurait pu éviter, s'avèrent nombreuses. La question fondamentale posée au cours de la rencontre se résume ainsi : la justice sociale, principe fondateur de la Révolution algérienne et de l'Algérie post-indépendance, est-elle une promesse tenue aujourd'hui ? L'économiste Mohamed-Cherif Belmihoub, tout en reconnaissant que le volume des transferts sociaux reste énorme et figure parmi les plus importants en Méditerranée, souligne que les inégalités sociales caractérisent l'Algérie, et ce, plus de cinquante ans après son indépendance. Il cite un contraste édifiant : 2 millions de travailleurs touchent des salaires autour de 18 000 DA. Pis, la grande majorité des salariés reçoit des revenus de misère. En d'autres termes, la paupérisation touche de larges couches de la population en dépit des importantes richesses pétrolières et gazières. Il convient de reconnaître que l'effort de l'état pour augmenter les revenus et améliorer les conditions de vie de la population, ces dix dernières années, s'avère considérable. Mais il reste insuffisant. L'économiste Abdelhak Lamiri, lui, pointe du doigt le modèle de développement suivi pendant ces décennies d'indépendance. Une évolution économique inefficiente perpétuée aujourd'hui avec les plans quinquennaux de relance. L'Algérie suit exactement la voie contraire de celle de pays émergents, comme l'Inde et la Chine. Un excès d'investissements dans les infrastructures et pas assez dans la ressource humaine : l'enseignement, la formation, la recherche et développement, le management. Il faudrait inverser la tendance si on veut coller au peloton des grands pays émergents. Selon lui, dans le prochain plan quinquennal qualifié de dernière chance, il faudrait réussir un dosage équilibré de la dépense publique entre les infrastructures, la ressource humaine et la promotion de l'entrepreneuriat ainsi que de l'entreprise productrice. Bémol, les deux économistes ont occulté les facteurs politiques ayant généré une telle évolution dangereuse : une redistribution injuste de la rente, des lobbies de l'importation favorisés par rapport aux producteurs, un système clanique qui encourage la médiocrité et marginalise la compétence.