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Le pôle démocratique face aux contraintes politiques
Réduction des espaces de liberté
Saïd Rabïa
Publié dans
Liberté
le 25 - 05 - 2004
Les partis démocratiques, contraints d’activer dans une sorte de clandestinité, sont obligés de trouver les moyens de contourner les entraves induites par l’état d’urgence et la fermeture du champ médiatique.Â
Peut-on parler de démocratie lorsque le pouvoir s’attelle à réduire les espaces de liberté, lorsque les supports médiatiques capables d’en diffuser les valeurs dans la société sont totalement fermés devant l’opposition ? La dernière élection présidentielle a le mérite d’apporter ne serait-ce qu’une partie de la réponse à ces interrogations. Vouloir faire basculer l’électorat en sa faveur, l’espace d’une courte campagne électorale, s’avère une illusion. Il est désormais définitivement admis que si le pôle démocratique n’a pas pu s’imposer en véritable alternative c’est d’abord parce que tout est organisé pour qu’il ne puisse pas le faire. Certains accablent, pas tout à fait à tort et pas tout à fait à raison, les leaders de ce pôle. Mais la réalité est là .
La démocratie ne peut s’acco mmoder des entraves imposées par l’état d’urgence, encore moins du monopole éhonté des médias publics, notamment la télévision. Interdite à l’opposition, cette dernière est devenue, depuis cinq années, une tribune exclusive du président Bouteflika qui, d’ailleurs, avait commencé sa campagne électorale avant l’heure, grâce à cette même télévision qui lui avait permis de prendre ainsi une importante longueur d’avance sur ses concurrents. Ce n’est qu’après coup que beaucoup se sont rendu compte des effets d’un tel monopole médiatique assimilé, par la suite, et à juste titre, à une forme de fraude électorale. Les mêmes pratiques qui ont conduit, en partie, au résultat du 8 avril 2004 sont toujours en vigueur tant l’objectif premier des tenants du pouvoir est d’étouffer à jamais la voix de l’opposition qui, faut-il le dire, est depuis quelques années déjà et surtout depuis la dernière élection présidentielle, contrainte à travailler dans une sorte de semi-clandestinité. La parenthèse de la campagne électorale fermée, la télévision ne couvre plus aucune activité des partis qui s’opposent à la politique du chef de l’État. Aucune voix discordante n’a droit de cité. La société entière est étranglée. Ses soubresauts sont passés sous silence. Les différentes contestations sociales apparues dans plusieurs régions du pays, le citoyen qui s’est immolé à la Maison de la presse, les sorties médiatiques du président du RCD, Saïd Sadi, les remous du FLN sont superbement ignorés.
Les médias publics, la télévision en tête, n’ont d’yeux que pour les activités présidentielles et leurs échanges épistolaires avec ses homologues étrangers, ou encore à l’activisme intéressé de ses alliés.
Les manifestations de Tkout, la colère des citoyens de
Djelfa
, de Sidi Bel Abbès et d’autres cités de l’Algérie profonde ne sont sues que par les habitants de ces régions pour en avoir été les témoins directs et par ceux qui lisent la presse indépendante.
Pour le reste des Algériens, tout va bien dans le meilleur des mondes. Voilà , en réalité, comment un mouvement social aspirant au changement est bloqué. Les partis censés donner un sens et un prolongement politique concret à cette contestation et à ce mouvement de la société se trouvent, eux aussi, muselés par les effets de l’état d’urgence qui viennent se greffer à la fermeture hermétique de la télévision. Un état d’urgence que l’on justifie à présent par d’incroyables raccourcis, quand ce n’est pas par des arguments franchement fallacieux. Il y a quelques mois, le Chef du gouvernement croyait pouvoir défendre le maintien de l’état d’urgence en l’assimilant sans sourciller au Patriot act, en vigueur aux États-Unis depuis les attentats du 11 septembre 2001 et qui peut être considéré comme l’équivalent du plan Vigipirate français : un dispositif sécuritaire renforcé et visant à prévenir d’éventuelles attaques terroristes et qui ne réduit en rien les libertés publiques.
En Algérie, et sous couvert de cet état d’urgence, les espaces d’expression sont depuis quelques années inexistants : plus de marches, plus de réunions publiques sans autorisation.
Les formations politiques, qui n’entrent pas dans le canevas de l’équipe présidentielle, sont condamnées à retourner à une sorte de clandestinité où seules les réunions organiques sont autorisées.
Le pôle démocratique est désormais obligé de trouver les mécanismes susceptibles de contourner ces entraves pour remobiliser autour de son projet une société dont les ressorts de résistance risquent d’être définitivement cassés.
S. R.
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