Désormais, les six cents prisonniers “parqués” à Guantanamo peuvent recourir aux juridictions américaines pour se défendre et remettre en question leur détention, qui dure depuis plus de deux ans maintenant. Par six voix contre trois, les juges composant la cour suprême des Etats-Unis ont rejeté lundi passé les arguments présentés par l'administration Bush au sujet du maintien en détention sans jugement des prisonniers de Guantanamo. Dorénavant, “les tribunaux des Etats-Unis pourront examiner la légalité de la détention d'étrangers capturés à l'étranger en relation avec des hostilités et incarcérés à la base américaine de Guantanamo”, stipule l'arrêt de la plus grande instance judiciaire américaine. L'opposition des trois juges conservateurs n'a pas suffi pour bloquer les six autres magistrats déterminés à rejeter l'argumentaire de George Bush, pour garder le statu quo sur cette question. Pour rappel, il s'agit de plus de six cents détenus capturés en majorité en 2001 lors de la guerre en Afghanistan et issus d'une quarantaine de pays. Jusque-là, ils n'ont pas été inculpés et ne bénéficient pas de l'assistance d'avocats. Considérés par Washington comme des terroristes, ils sont gardés en détention en violation de tous les droits des prisonniers de guerre ou civils. Dans ce centre pénitentiaire dirigé par l'armée américaine, il y a beaucoup à dire sur les abus des soldats américains. À l'instar de ce qui s'est passé dans les geôles irakiennes, les détenus de Guantanamo ont eux aussi été victimes de torture et de sévices inhumains. Le pentagone a fini par admettre que des mesures d'interrogation particulières ont été approuvées par le secrétaire d'Etat américain à la défense, Donald Rumsfeld, dans le but d'obtenir les informations recherchées. Il va sans dire que tout était permis pour faire parler ces prisonniers. Les images sur les agissements des militaires US dans la prison d'Abou Ghraïb constituent la meilleure illustration des libertés que prennent les geôliers américains avec les encouragements du renseignement américain, pour parvenir à leurs fins. L'arrêt de la cour suprême américaine est un véritable frein aux dépassements et violations des droits de l'homme de l'armée d'un pays qui se considère comme le champion des libertés. Il appartient maintenant aux avocats des détenus de Guantanamo de saisir les juridictions américaines compétentes pour faire valoir les droits de leurs clients. La décision de la cour suprême US dénie ainsi le droit à l'armée américaine de garder des prisonniers sans jugement. Elle constitue surtout un sérieux revers pour le patron de la maison-Blanche. La plus haute institution judiciaire des Etats-Unis empêche ainsi George Bush de priver, au nom de la lutte contre le terrorisme, des prisonniers étrangers et un Américain de leurs droits à se défendre devant la justice. Sitôt, l'arrêt rendu public, le département d'Etat américain a réagi en annonçant qu'il “allait déterminer comment nous allons modifier les procédures existantes pour nous conformer à ces décisions”. Il faut s'attendre lors des prochains jours à une série de recours auprès des juridictions US de la part des détenus de Guantanamo, qui chercheront à faire valoir leurs droits. K. A. La chute de popularité de Bush confirmée Un nouveau sondage, publié hier, confirme la chute de popularité du président américain sortant, le républicain George W. Bush, et de la guerre en Irak. Selon ce sondage publié par le New York Times et la chaîne de télévision CBS, la popularité de M. Bush est au plus bas depuis son entrée en fonctions en janvier 2001, à 42%, et 60% des Américains estiment que la guerre en Irak ne vaut pas son coût humain et financier. Plus d'un Américain sur deux (51%) désapprouvent la politique de M. Bush, qui brigue un second mandat à la présidentielle du 2 novembre, et 57% pensent que leur pays est sur la mauvaise voie. Toutefois, cette désaffection ne semble guère favoriser son adversaire démocrate, John Kerry. Le sénateur du Massachusetts est crédité de 45% des intentions de vote, contre 44% à Bush, en cas de duel. En cas de triangulaire, avec la participation du candidat indépendant Ralph Nader, M. Bush est crédité de 43% des voix, Kerry de 42% et Nader de 5%. La guerre en Irak semble le dossier le plus handicapant pour M. Bush : 60% des Américains désapprouvent sa politique dans ce pays, estiment que la guerre ne valait pas la peine, et jugent qu'il n'a pas été entièrement sincère en parlant de l'Irak. Seulement 15% estiment que son Administration a dit la vérité sur les sévices infligés à des prisonniers irakiens à la prison d'Abou Ghraïb, près de Bagdad. Pour 54% des Américains, il faut rester en Irak “le temps qu'il faudra”, mais 40% souhaitent un désengagement “dès que possible”.