Plus de 160 procès sont intentés essentiellement contre cinq titres de la presse indépendante. Depuis l'été 2003, ils sont surtout poursuivis pour “offense” au chef de l'Etat. Depuis 2000, les cinq grands titres de la presse indépendante, leurs journalistes sont poursuivis dans plus de 160 affaires, liées à la diffamation, atteintes à corps constitués et autres. Selon un magistrat, la plupart des plaintes déposées depuis l'été 2003 sont constituées d'offense au chef de l'Etat. Il faut reconnaître aussi, constate notre interlocuteur, que ces plaintes sont précédées par une vague d'interpellations par la police judiciaire qui a visé particulièrement les directeurs des journaux, Liberté, Le Matin et Le Soir D'Algérie. Un débat même a été enclenché autour de la légalité de ces arrestations. Et c'est ainsi que beaucoup de dossiers ont été transférés devant l'instruction. Mais la défense a continué à trouver des difficultés à assurer les moyens de défense. Mais l'année 2002, c'est en fait l'année des plaintes déposées par le ministère de la Défense contre la presse. Une dizaine de procès sont intentés contre, essentiellement trois titres, à savoir Liberté, Le Matin et El Watan. L'autre conclusion : depuis deux ans, les plaintes déposées par les particuliers ont sensiblement régressé, contrairement à celles de l'administration. Ce qu'il faut retenir aussi, selon Me Bourayou, les plaintes du pouvoir témoigne d'un conflit permanent entre l'Exécutif et la presse. C'est l'absence de concertation, dira l'avocat, qui fait que la presse reste ligotée par une batterie de textes répressifs négateurs de la liberté d'expression. Cela a été, en effet, aggravé par les amendements apportés au code pénal en 2001. Ajouter à cela la non-disponibilité du pouvoir vis-à-vis de la presse représentative, crédible. Les journalistes, avoue-t-il, évoluent dans un environnement hostile et très fermé pour la corporation et où l'accès à l'information est interdit. La même situation a été dressée par Reporters sans frontières (RSF) en juin 2000. De 1996 à septembre 2003, le rapport, qui cite le ministère de la Justice comme source, évoque 141 journalistes qui auraient été poursuivis dans le cadre de 156 affaires. 24 de ces dossiers auraient été initiés directement par le parquet, 92 autres sur plainte avec constitution de partie civile et 40 avec citation directe. La majorité de ces plaintes seraient déposées par des particuliers. Quelques-unes à l'initiative des corps constitués. Mais durant cette période, l'arsenal judiciaire n'était pas encore en place. Et depuis 2001, avec l'adoption par le Parlement du code pénal amendé, la situation des libertés s'est sensiblement régressée. De lourdes amendes, on passe à la prison ferme. Deux journalistes sont en prison. Des dizaines de procès sont encore en cours, d'autres en instruction. Le quotidien El khabar en a une vingtaine, El Watan une quinzaine de procès en cours et 18 autres en instruction. Pour ne parler que de ceux- là. Procès en cours, journalistes en prison Mohamed Benchicou est depuis plus d'un mois en prison. D'autres procès l'attendent : affaires Saâdaoui, la Baigneuse, Echourafa… Hafnaoui Ghoul, correspondant de Djazaïr News a vu, quant à lui, sa condamnation du 9 juin dernier à deux mois de prison et une amende de 300 000 DA pour “outrage et diffamation”, portée à trois mois d'emprisonnement. Selon sa famille, le journaliste et responsable du bureau régional de la Ligue algérienne des droits de l'homme, est poursuivi dans le cadre de plusieurs affaires. Une quinzaine de plaintes, outre les quatre déposées par le wali de Djelfa, ont été déposées contre lui depuis le 24 mai dernier. Durant l'année 2003, d'autres journalistes ont été incarcérés. Il s'agit de Hassen Bouras, correspondant de presse et militant de la Ligue algérienne des droits de l'homme, et Ahmed Benaoum directeur de publication d'Er Raï. Aujourd'hui, libéré, Bouras a été condamné à deux ans de prison ferme et à cinq ans d'interdiction d'exercer le métier, et à 200 000 DA d'amende. S. R.