L'autoroute Est-Ouest, confiée à des sociétés privées, sera payante. Le ministre des Finances a présenté, hier, à la presse nationale la stratégie financière à moyen terme 2005-2009 de l'Algérie. Le ministre a, par ailleurs, abordé, en réponse aux questions des journalistes, la visite qu'effectuera, aujourd'hui, en Algérie le ministre de l'économie, des finances et de l'Industrie français, Nicolas Sarkozy. 580 000 logements sociaux seront vendus “Le président de la République et le gouvernement ont décidé de mettre en vente les 580 000 logements sociaux ainsi que les locaux commerciaux”, souligne le ministre des Finances. 250 milliards de dinars sont attendus de cette opération qui pourrait s'étaler sur cinq années. Il est question de la cession “du patrimoine foncier de l'Etat”. “Combien d'hectares, les conditions et la forme doivent être discutées, mais nous devons valoriser ce patrimoine”, précise Benachenhou en abordant le volet de l'amélioration des revenus de l'Etat et la stratégie financière à moyenne terme que le gouvernement compte mettre en œuvre. Pour le ministre des Finances, l'amélioration des revenus de l'Etat est un impératif. Cette amélioration résulte d'un constat simple : la fiscalité pétrolière occupe une place trop importante au sein des revenus de l'Etat. “Un état sérieux ne peut marcher sur une seule jambe”, ironise Benachenhou. Cette amélioration passe par la réorganisation de l'administration fiscale “qui doit se mettre face à son marché, un marché de contribuables et de façon efficace”. Elle passe aussi par la maîtrise du secteur informel. Le ministre des Finances souligne, dans ses propos, le mot “maîtrise et non pas la lutte contre le secteur informel”. Il se dit n'être pas de “ceux qui croient qu'il faut tout de suite se mettre en position de combat”. Sur ce point, le ministre des Finances souhaite responsabiliser toutes les institutions. Un programme sera présenté incessamment devant le gouvernement. Le ministre des Finances annonce, dans son allocution, la décision du gouvernement de mettre “progressivement mais fermement” un terme à la politique d‘exonération fiscale pratiquée jusque-là. Benachenhou affirme que l'Etat accorde entre 60 à 70 milliards de dinars en exonérations fiscales. L'Etat se désengage progressivement du logement social En matière de dépenses, quatre lignes d'action sont arrêtées par le gouvernement, sur propositions du ministère des Finances. La première ligne d'action est que l'Etat, de l'avis de Benachenhou, “doit cesser de dépenser là où le marché peut le faire à sa place”. Le ministre des Finances estime que “l'Etat ne peut plus continuer à dépenser de façon aveugle en matière de financement de logements”. Du coup, le gouvernement a décidé de réduire la part du logement social dans la politique globale de logements en Algérie. Le gouvernement sera surtout attentif à la répartition territoriale. C'est le cas aussi du financement des grandes infrastructures économiques. Pour l'autoroute par exemple, Benachenhou parle de trois tronçons Ouest, Centre et Est. Si le tronçon Centre sera probablement achevé sur ressources publiques, les deux autres, en revanche, seront financés sur fonds privés. Des discussions, sur les financements et les tarifs, ont été entamées avec certains pays. En tout état de cause, elle sera payante. Elle sera mise en gestion privée. La raison évoquée par le ministre et qu'un kilomètre d'autoroute coûte en Algérie entre 3 millions de dollars à 10 millions de dollars. Le gouvernement envisage même la création des entités de gestion autoroutière par tronçon. La deuxième ligne d'action du gouvernement se focalisera sur la politique salariale publique, c'est-à-dire les revenus des fonctionnaires. En 2004, nous dit le ministre, la masse salariale publique représente 600 milliards de dinars, soit 50% du budget de fonctionnement de l'Etat (1 200 milliards de dinars). “Nous ne pouvons plus continuer à avoir une politique salariale publique qui évolue aussi rapidement. Il faut revenir à la raison”, constate Benachenhou. Le ministre précise qu'“il n'y aura pas de gel de politique salariale mais entre le gel et la dérive il y a le juste milieu auquel le gouvernement va s'attacher”. La troisième ligne d'action évoquée par le ministre est l'indexation de certains revenus sur le Snmg. Ces revenus suivent la hausse du Snmg. “Le gouvernement va ouvrir le dossier”, souligne le ministre. Quatrième et dernière ligne d'action, le gouvernement souhaite un rééquilibrage entre les dépenses sociales et l'action économique. “Nous sommes dans un pays où l'action sociale de l'Etat est infiniment plus importante que l'action économique”, précise le ministre des Finances. Pour illustrer cette différence, Benachenhou affirme que chaque fois que l'Etat dépense cinq dinars pour l'action sociale, il dépense un dinar pour l'action économique. L'idée est de soutenir davantage l'investissement et la production, pas seulement la consommation. Gestion problématique de la dette La dette publique, selon Benachenhou est de 31,4 milliards de dollars. 80% de cette dette résultent des opérations d'assainissement. Le ministre des Finances procède, actuellement, au démembre de la dette interne (décomposition et recomposition de la dette pour qu'elle devienne moins chère). 555 milliards de dinars de dette interne ont été traités. Le taux d‘intérêt a été ramené de 6% à une moyenne de 1% à 4%. Concernant la dette externe, ce qui préoccupe l'Algérie c'est le traitement de la partie la plus chère. Il y a des pays, que le ministre n'a pas voulu citer par convenance, auxquels l'Algérie paye en moyenne 8,50% d'intérêt, d'autres 11%. Des discutions ont été entamées avec ces pays non seulement sur les taux d'intérêt eux-mêmes, mais aussi sur la possibilité de la reconversion de la dette en investissement. L'Algérie a obtenu, en 2001, du Club de Paris une conversion de 10% de la dette. Aujourd'hui, un certain nombre de pays ont accepté le principe de passer de 10 à 30%. “10% ne couvrent pas les grands projets”, explique Benachenhou. Un de ces pays justement est la France. “Un aide mémoire sur la coopération pour la croissance et le développement” sera d'ailleurs signée aujourd'hui à l'occasion de la visite du ministre ds Finances français. La même démarche “sera adoptée et adaptée” pour l'Italie et l'Espagne. Pour le ministre des Finances, l'accord d'association est un cadre qu'il faut remplir par le biais d'actions de coopération sur la dette, l'énergie, le commerce et l'investissement. L'Allemagne, “pour des raisons doctrinales”, souligne le ministre, n'est pas intéressée par la question “de swap” de la dette. En matière d'endettement public, l'Algérie ira à l'endettement extérieur. Mais elle privilégiera les prêts concessionnels. L'Algérie vient d'obtenir un prêt concessionnel des Emirats Arabes Unies, sur douze ans, de 400 millions de dollars pour un taux d'intérêt seulement de 2,5%. L'Algérie est en négociations avec d'autres pays. Aujourd'hui, en recevant Sarkozy, il sera question d'un prêt autour d'un milliard d'euros. Ce n'est pas dangereux explique M. Benachenhou. C'est que le profil de notre dette est tel qu'en 2011, nous allons avoir une chute de la dette externe. 34 milliards de dollars de Réserves de change Elles sont estimées à 34,2 milliards de dollars. 57% sont tenus en euros et 43% en dollars. Le ministre des Finances juge les réserves correctement structurées, du point de vue de composition en monnaie. Les réserves proviennent de deux grandes sources, les exportations hors hydrocarbures et les investissements directs étrangers. La Banque d'Algérie en recevant l'argent, délivre immédiatement, en contrepartie, des dinars. Pour M. Benachenhou, le dinar qui correspond aux réserves se trouve à la BEA (banque de la Sonatrach), au Fonds de régulation des recettes (525 milliards de dinars) et au niveau des banques. Une partie des réserves est placée à un taux de 2,5%. M. R. Plan de soutien à la relance économique “des résultats mitigés” “L'évaluation a été mitigée”, allusion aux résultats, reconnaît le ministre des Finances en réponse à la question sur le bilan du Plan de soutien à la relance économique. Les objectifs atteints ont notamment touché “le petit développement infrastructurel”. Pour les grands projets d'infrastructures, “les choses ont évolué moins vite”, en raison de l'insuffisance de maturation des projets. Pour le ministre des Finances, des enseignements doivent être tirés de l'exécution du PSRE. Du coup, dans le cadre du nouveau plan de consolidation de la croissance, le niveau de la dépense publique sera lié à la réforme de l'offre domestique. “Le futur programme nécessite une reconstitution sérieuse du secteur de réalisation, sinon il profitera aux étrangers”, souligne, à juste titre, Benachenhou. C'est que le secteur de réalisation des grands projets est pratiquement inexistant à l'exception de deux ou trois entreprises. Le souci du ministre des Finances est que les investissements publics ne se fassent pas au détriment des sociétés algériennes. M. R.