Près de quarante personnes arrivées vendredi soir n'ont récupéré leurs bagages qu'hier vers 17 heures. Il est seize heures. Assis dans la salle d'attente de l'aéroport Rabah-Bitat, une quarantaine de passagers, hommes, femmes, enfants, venus la veille d'Orly par le vol AH 1145, attendent l'arrivée de leurs bagages, expédiés sur un autre avion transitant par Alger. Arrivés vendredi vers 19h30 à Annaba, ils attendent depuis plus de vingt heures l'arrivée de leurs bagages annoncés dans un autre avion. Dès qu'ils apprennent que nous sommes journalistes, ils nous entourent, parlent tous en même temps, se plaignant des conditions d'accueil à l'aéroport de la compagnie aérienne : “Personne ne s'occupe de nous,” déclare une veille dame, “on ne veut pas nous parler”. Ces gens stressés, fatigués dénoncent “l'indifférence totale dans laquelle ils se trouvent depuis la veille au soir, dans l'attente de l'arrivée de leurs bagages”. “Il nous ont annoncé l'arrivée de nos bagages à plusieurs reprises, mais c'était à chaque fois une fausse alerte. Nous n'avons même pas eu droit à une bouteille d'eau pour les enfants, ils nous ont dit d'en acheter mais nous n'avons pas encore pu faire le change”. Tous nous parlent d'un bébé de trois mois dont les médicaments, inexistants dans notre pays, sont restés dans les bagages de ses parents. Parmi les passagers, un Espagnol accompagné de sa femme et de son enfant, qui déclare être “très déçu par l'accueil indifférent qui leur a été réservé à l'aéroport” et un huissier de justice qui dans un sourire forcé nous déclare : “J'atteste de la véracité de toutes ces déclarations. Ces gens ont vraiment souffert.” On nous présente un homme entre deux âges qui porte un pacemaker, et qui “a dû passer la nuit dehors”. L'air très fatigué, il nous déclare : “La mauvaise prise en charge a commencé dans les locaux d'Air Algérie à Orly.” Certains émigrés, qui doivent se rendre dans les wilayas éloignées de Annaba, comme Guelma, Souk-Ahras, ou Tébessa, n'ont pu se résigner à partir sans leurs bagages, aussi “ils ont dû passer la nuit à la belle étoile, dans l'herbe hors périmètre de l'aéroport”. Un citoyen, venu attendre sa belle-sœur, nous parle de l'absence de communication des employés avec les malheureux passagers. Un représentant de la compagnie s'approche pour expliquer que le retard, qui a été observé dans l'acheminement des bagages, est indépendant de la volonté d'Air Algérie et que tous les efforts sont consentis pour normaliser la situation. Un dialogue de sourd s'installe entre lui et le citoyen. “Nous ne parlons pas des bagages, ce sont des choses qui peuvent arriver, mais nous sommes outrés par votre indifférence. Pourquoi vous ne nous avez pas parlé ainsi la veille ?” lui demande le citoyen hors de lui. L'agent ne répond pas et tourne les talons. “Nous ne reviendrons plus jamais”, jurent la plupart d'entre eux. Une citoyenne, dont c'est le premier retour au pays depuis trente ans, déclare qu'”il y a une grande différence entre ce que l'on voit sur les chaînes de télévision vantant la convivialité et l'accueil dans notre pays et la réalité. C'est la première et la dernière fois que je viens en Algérie. Les touristes sont découragés alors qu'ils devraient tout faire pour les attirer car ils leur rapportent chaque année des milliards !” Du côté des employés de la compagnie, c'est un autre son de cloche. Comme le chef de centre a refusé de nous recevoir, nous renvoyant au directeur de la compagnie à Sidi Brahim, nous interrogeons des employés. Pour eux, ils sont formels, “personne n'a passé la nuit à l'intérieur de l'aéroport”. “La relation des passagers avec la compagnie s'arrête au moment où ils arrivent à destination. Notre rôle s'arrête là”, nous déclarera un homme d'un certain âge. Un responsable de la compagnie que nous avons pu contacter nous confirme de son côté que “personne n'a passé la nuit ni à l'intérieur, ni à l'extérieur du périmètre de l'aéroport. Tous sont partis pour revenir le lendemain”. Il met la colère des passagers sur le fait qu'ils n'ont pu récupérer leurs bagages à temps, alors que ces derniers ne se plaignent que de l'absence de la prise en charge, du moins des personnes les plus sensibles, comme les personnes âgées, les enfants et les malades. Ce même responsable reconnaît néanmoins que les employés chargés de l'accueil “n'ont pas été à la hauteur de la situation, nous révélant même que l'un d'entre eux aurait été suspendu de ses fonctions pour complément d'enquête”. Ce n'est que vers 17heures que l'avion portant les bagages des malheureux touristes venus passer leurs vacances dans leur pays d'origine est annoncé. Tous se précipitent vers la douane, et il ne reste plus avec nous que l'homme au pacemaker qui nous dit, dans un soupir découragé “s'il y avait une autre compagnie avec Air Algérie, la concurrence aurait joué, et le service d'accueil des passagers aurait été meilleur, mais en attendant...” H. M.