Il y a certains thèmes qui s'imposent tant par l'actualité que par l'émotion qu'ils suscitent, douloureuse parfois. Et si la plume s'y risque pour peu que cette souffrance dite s'estompe et cède place à l'espoir. Elles sont deux à en parler, de la douleur, certes, des larmes aussi mais infiniment de bonté, de lutte, d'espoir surtout. Deux femmes écrivaines de deux pays différents, éloignés géographiquement, mais ô combien proches tant par les tragédies vécues que par la dimension humaine qui les caractérise : le Liban et l'Algérie. C'est ainsi qu'Amin Zaoui a accueilli au sein de la Bibliothèque nationale Maïssa Bey et Hoda Barakat, qui ont débattu de l'écriture et de la guerre, abordant notamment au cours de cette rencontre d'autres thèmes comme “La condition de la femme”, “La femme dans la guerre”, “L'écriture féminine”… À ce propos, nos deux invitées réfutent le concept de littérature féminine, car il y a littérature tout court. “Je ne suis pas juste une femme en écrivant, mais un tout, je suis un homme, une fleur, un arbre…”, dira Hoda Barakat. Et plus loin, elle soutient que “l'écriture n'a pas de sexe”. Maïssa Bey s'interroge : “C'est quoi au juste une littérature féminine ? Je parle de ce que je connais, de ces femmes qui m'entourent, je raconte leurs souffrances, leurs doutes et leurs luttes. Cela fait-il de moi une féministe ?” Puis, revient cette écriture dite de mémoire ou par devoir de mémoire et le modérateur Hamid Abdelkader interroge la mémoire de Hoda Barakat et de Maïssa Bey. La première trouve qu'écrire sur elle est sans intérêt. L'autobiographique est une passerelle entre l'écriture et le “moi”. Or, “l'écriture c'est un aller vers les autres”, soutient Maïssa Bey qui, avec Entendez-vous dans les montagnes, a écrit une œuvre autobiographique. Mais ce n'est pas par devoir de mémoire, dira-t-elle, elle a écrit ce récit pour ses filles. L'Algérie, qui a replongé dans l'horreur et le sang avec le terrorisme, a rappelé à Maïssa Bey ses propres souvenirs d'un père inconnu, enlevé, mort sous la torture durant l'occupation française, d'où le souci de raconter cette période à ses propres filles. Hoda Barakat n'aime pas écrire sur elle : “Je n'aime pas écrire sur moi, mais plutôt aller à la rencontre de personnages imaginaires qui sont plus véridiques pour moi que les personnages réels.” La guerre, qui était le thème de la rencontre, est abordée surtout du point de vue de la représentativité de la femme dans les guerres, ou plus explicitement son rôle qui n'est ni secondaire ni primordial. Hoda Barakat, qui écrit des fictions littéraires sur la guerre sans que celle-ci soit nommée explicitement, soutient qu'“on a toujours cru que la femme n'a aucune relation avec la guerre. Si l'homme y a une relation directe, la femme a un rôle différent, mais elle est dedans”. En écrivant Entendez-vous dans les montagnes, Maïssa Bey dira qu'elle n'a pas pensé à la guerre mais à une délivrance. Maïssa Bey est auteur de plusieurs romans dont Nouvelles d'Algérie, paru chez Grasset, qui lui a valu le grand prix de la Nouvelle de la Société des gens de lettres et, récemment, Surtout ne te retourne pas, paru chez Barzakh. Sa thématique de prédilection est la condition féminine et ses “je” narratifs sont toujours féminins, au contraire de Hoda Barakat, qui utilise le je masculin et sa thématique n'est pas forcément sur les femmes. Hoda Barakat, née à Beyrouth (Liban) en 1952, vit en France depuis 1989. Elle a écrit un recueil de nouvelles et trois romans en arabe. Ses derniers sont traduits dans plusieurs langues, dont le français, comme La Pierre du rire, aux éditions Actes Sud, Les Illuminés, J'ai lu et Le Laboureur des eaux (septembre 2001). Nassira Belloula