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Abane Ramdane et le Congrès de la Soummam
Publié dans Liberté le 19 - 08 - 2004

Membre de l'OS et chef de province de Sétif, il organisa dans la même région (de Tazmalt à Chelghoum Laïd) en incluant la côte les groupes d'entraînement et de préparation à la guerre de libération d'Algérie, en formant et en entraînant sur la base de prospectus, de plans précis, des sections de combattants. Abane Ramdane est alors condamné à 6 années d'emprisonnement, dix ans d'interdiction de séjour et d'interdiction des droits civils ainsi qu'à l'appel de cinq cents mille francs d'amende pour le motif suivant :
Abane Ramdane était alors âgé de 24 ans et son transfert à la villa Susini lui a valu de terribles tortures qui ont failli lui coûter la vie, selon le témoignage d'un codétenu, le moudjahed Bennacer (encore vivant).
En prison, il dévora des milliers d'ouvrages et d'études dans toutes les disciplines et dans tous les domaines. Il se distingua par une célèbre grève de la faim au détriment de sa santé. Libéré, rapatrié et malade, il rejoint son village natal Azouza, où il guérit grâce aux soins dévoués de sa mère.
Quelques mois après le déclenchement du 1er Novembre 1954, Rabah Bitat, un des chefs historiques, responsable FLN fut arrêté. Belkacem Krim et Ouamrane tentèrent de prendre en main la réorganisation de l'Algérois, de la capitale et surtout de La Casbah. Les chefs continuent de s'occuper de la Wilaya III, mais ils étaient bien décidés à mettre sur pied dans la capitale des structures politico-militaires solides. En Abane Ramdane, ils avaient trouvé l'intellectuel et le théoricien ainsi que l'homme d'action qui leur manquait tant à Alger qu'au sein du mouvement révolutionnaire.
Au MTLD, Abane Ramdane s'était déjà distingué par sa culture et sa connaissance de la politique. De plus, il avait eu le temps de réfléchir à la guerre de libération pendant les cinq ans qu'il avait été prisonnier en métropole. C'est donc cet homme dur, inflexible et d'une intelligence aiguë, qui va, pour commencer, assumer la direction de fait d'Alger et de l'Algérois.
Quel sera son plan ?
Accès toute la lutte en fonction d'objectifs capables d'alerter ou d'émouvoir l'opinion internationale. La méthode Abane était en route. Il répétait à satiété, qu'il valait mieux tuer un seul ennemi à Alger plutôt que dix dans le djebel, loin des témoins autorisés à parler, loin des photographes, loin de la presse.
De plus il connaissait parfaitement l'état d'infériorité numérique et matérielle des Algériens face à l'armée française. Il note dans sa directive n°9 : “Si nous prenons des risques, il faut que notre combat soit connu : nous pourrions tuer des centaines de soldats colonialistes sans que cela soit jamais communiqué. Réfléchissons aux conséquences de nos actes et veillons à ce qu'ils soient payants et attirent inévitablement I'attention du monde sur les généreux combats de notre peuple et de notre armée.”
Cette stratégie Abane Ramdane n'eut aucun mal à consacrer la notoriété internationale de la guerre de libération. Abane ramdane affirme ainsi par sa seule intelligence, son rôle de principal théoricien et de grand organisateur de la guerre de libération. Il songeait déjà à la formalisation des actions qui devaient rendre irrémédiable l'indépendance de l'Algérie. (Contrairement aux rumeurs des officines colonialistes qui mettaient le déclenchement de la guerre de libération au même point que les luttes précédentes). Il songeait également à la plate-forme du Congrès de la Soummam : une idée politique qui devait mettre face à la France une nation, un Etat, une direction politique, une direction armée, autrement dit, les fondements du premier Etat moderne algérien.
Il organisa également les circonstances idéales pour faire bouger les élites musulmanes ainsi que pour faire rentrer dans la rébellion, les Oulémas grâce à ses relations avec le cheikh Larbi Tébessi. Poursuivons son activité organique, Abane Ramdane élargit le camp de la rébellion aux cadres, aux intellectuels nationalistes et aux étudiants algériens. Inquiète et sérieusement ébranlée, la France colonialiste s'interroge sur le cas de Abane Ramdane que ses services qualifient de Abane “Robespierre”.
C'est dans cette occurrence que le professeur Touilleux chargé d'approcher Abane, déclare : “Je suis effaré de sa brutalité, je suis effaré de son absence totale de sens politique, il ne veut faire aucune concession à la France colonialiste”. Touilleux poursuit : “Un homme avec qui on ne pourrait jamais discuter si un jour son rôle devenait déterminant.” L'histoire nous apprendra plus tard que l'assassinat de Abane Ramdane l'a effectivement empêché de discuter selon son intransigeance avec la France coloniale. Ce sont ceux-là mêmes qui l'ont assassiné, qui ont été les principaux interlocuteurs de la France coloniale lors des accords d'Evian. Heureusement, enfin, avant l'assassinat de Abane Ramdane celui-ci avait eu le temps d'organiser contre vents et marées le Congrès de la Soummam qui consacrera définitivement la naissance de la nation et de l'Etat moderne algérien dans son territoire et dans ses institutions. La France colonialiste voit brusquement une Algérie, peuple et armée se dresser devant elle et entrer dans le concert des nations, une Algérie qui aspire à l'indépendance dans une République souveraine, démocratique et sociale. Pour Abane Ramdane, à l'issue du Congrès de la Soummam après la consolidation du FLN et de l'ALN et de la lutte de libération, une seule chose comptait désormais : il fallait absolument épargner à l'Algérie d'être deux fois colonisée : la première fois par la France coloniale, une seconde fois par elle-même : deux fois colonisée, 2 fois victorieuse. Telle était la vraie, la seule alternative de Abane Ramdane.
L. S.
(*) Docteur en droit et ancien maître de conférences


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