En échange d'une aide économique importante, l'Europe demande à ses voisins d'entamer des réformes démocratiques sérieuses : ouverture des champs politique et médiatique, organisation d'élections libres et démocratiques. Comment pousser les régimes des pays arabes à faire des réformes politiques ? Depuis quelques années, les Américains et les Européens tentent d'apporter une réponse à cette question. Car l'enjeu est d'importance : depuis les attentats du 11 septembre 2001, les Occidentaux sont convaincus que leur sécurité est, en partie, liée à l'évolution de la situation politique dans le monde arabe. Mais si Européens et Américains font le même constat sur la situation, ils divergent sur la méthode à suivre. Aux “réformes par la force” que tentent d'imposer les faucons de la Maison-Blanche et du Pentagone de Washington, l'Union européenne tente d'opposer une méthode basée sur le dialogue. C'est dans ce contexte que les 25 ont lancé, il y a quelques mois, “la politique européenne de bon voisinage”. Officiellement, cette initiative est une conséquence inéluctable de l'élargissement de l'Europe. Depuis mai dernier, l'Union européenne compte, en effet, 25 pays et possède de nouvelles frontières, donc de nouveaux voisins. Mais les promoteurs de “la politique européenne de bon voisinage” visent essentiellement les pays du Maghreb. Une sorte de réponse de l'Europe à “l'initiative pour un grand Moyen-Orient” lancée par Washington au lendemain de l'invasion de l'Irak. “C'est une logique de donnant-donnant”. En échange d'une aide économique importante, l'Europe demande à ses voisins d'entamer des réformes démocratiques sérieuses : ouverture des champs politique et médiatique, organisation d'élections libres et démocratiques… “Aujourd'hui, l'Europe est prête à payer le prix fort pour assurer sa sécurité. Or, la sécurité des pays de l'Union passe par une stabilité durable dans la région du Maghreb”, explique un expert français à la Commission européenne. Lundi 12 juillet, Rabat et la Commission de Bruxelles ont finalisé leurs discussions sur la mise en place d'un plan d'action dans le cadre de la mise en œuvre de la politique européenne de bon voisinage. Le Maroc devient ainsi le premier pays d'Afrique du Nord à s'engager dans un processus de réformes directement contrôlé par l'Europe. En revanche, les discussions avec l'Algérie et la Tunisie semblent plus difficiles. Alger met régulièrement en avant des questions de souveraineté pour justifier son refus de mettre en place un plan d'action dans le cadre de la politique européenne de bon voisinage. Mais le refus algérien peut également s'expliquer par l'aisance financière dont jouit actuellement le pays. Ce qui le met à l'abri de besoins de financement en provenance de l'Europe. Mais depuis quelques semaines, les Européens font monter la pression sur les Algériens. À chaque rencontre entre un officiel européen et un dirigeant algérien, la question est évoquée. “Mais les Algériens répondent toujours la même la chose, explique un diplomate français en poste à Bruxelles. Ils nous expliquent que leur pays a entamé des réformes politiques depuis longtemps et que l'Algérie est un pays démocratique avec une presse libre et où se déroulent des élections pluralistes et ouvertes. Ce que nous ne contestons pas. Mais nous pensons que l'Algérie doit accepter que l'Europe l'accompagne dans ses réformes.” L. G.