Le cartel invite implicitement les Etats-Unis à éteindre les foyers de tension qui “allument” les cours du brut. Pour une fois, l'Opep semble vouloir faire de la politique avec son pétrole. De la realpolitik qui consiste à tenter une espèce de chantage diplomatique sur les pays occidentaux notamment les Etats-Unis, en agitant la redoutable arme de l'or noir dont les prix caracolent au-dessus de la barre des 45 dollars le baril. Hier, le président de ce cartel énergétique a tiré une conclusion de la hausse des cours qui devrait donner froid aux dos des Américains. “Les prix du pétrole ne pourront pas revenir à la stabilité qu'avec la résolution des conflits mondiaux même si la production est en hausse et répond à la demande croissante du marché”. Par cette déclaration, M. Purnomo Yusgiantoro, patron de l'Opep, invite implicitement, voire explicitement, les Etats-Unis à balayer devant leur porte, en jugulant les causes — politiques — qui font flamber le marché pétrolier. Autrement dit, l'Organisation des pays exportateurs du pétrole met ainsi le doigt sur la plaie que représente l'occupation de l'Irak — l'un des plus gros producteurs — et la détérioration du confit en Palestine. Ce qui n'est du reste pas faux, dans la mesure où l'arrêt de la production du brut irakien entraîne ipso facto la montée en flèche des cours par le simple mécanisme de l'offre et de la demande. La mise au point du président de l'Opep, par sa clarté et son ton, sonne comme une nouvelle stratégie de l'organisation qui ne veut plus subir les desiderata des responsables américains qui modulent à l'envi les cours selon leurs intérêts immédiats. Le propos tenu, hier, par M. Yusgiantoro suggère en tout cas que quelque chose a changé dans la façon de voir de l'organisation. Ce cartel se lave désormais les mains de la flambée vertigineuse des prix du pétrole et renvoie la balle aux Etats-Unis sans les citer nommément. Et, au besoin, ce responsable précise que la production de 10 pays membres de l'Opep, à l'exception de l'Irak, approchait la barre des 30 millions de barils par jour et que près d'un million de barils par jour restaient en réserve. Ce qui sous-entend que le volume du pétrole mis sur le marché est loin d'être négligeable, et que, par conséquent, les raisons du maintien des cours à un niveau aussi important sont à chercher ailleurs que dans la réévaluation des quotas de production des membres. Conclusion : les pays consommateurs — la flèche concerne au premier chef les USA — sont interpellés pour faire un effort de… paix dans le monde dans l'espoir de voir les cours se normaliser. “Une réduction significative des tensions géopolitiques est nécessaire”, assène le boss du géant pétrolier. L'Opep est peut-être décidée à ne plus jouer le pompier, dès lors que les Etats-Unis réclament une révision à la baisse des prix suivant sa légendaire docilité. Il est pour autant difficile d'entrevoir un nouveau choc pétrolier comme le prédisent certains experts dans le domaine de l'énergie, connaissant la proximité des dirigeants de certains pays producteurs avec l'administration américaine. Néanmoins pour l'heure, la fermeté semble être de mise puisque M. Yusgiantoro avertit les membres de son organisation contre toute tentation d'inonder le marché pour faire baisser les cours qui n'aurait pas l'aval de l'Opep. “Toute décision relative à l'accroissement de la capacité de production et aux quotas ne surviendrait pas avant la réunion de l'Opep, le 14 septembre à Vienne”. Il faut préciser que ces commentaires du président de l'Opep interviennent 24 heures après le sabotage d'un oléoduc en Irak qui a “boosté” le marché asiatique. Il s'agit de voir à quel point l'organisation peut-elle tenir tête aux Etats-Unis mais surtout est-ce qu'elle serait capable d'aller au bout de sa logique en monnayant son pétrole contre une paix dans les différents foyers de tension au monde ? H. M.