L'unique candidate à la présidence de l'Algérie indépendante sait pourquoi les Algériens ont voté. Du moins elle sait qu'ils “n'ont pas voté pour ça”, pour le libéralisme prôné par le clan dirigeant actuel. Ils auraient donc voté pour le programme du porte-parole du Parti des Travailleurs, et Bouteflika devrait appliquer sa recette, une doctrine Trotsky accommodée au populisme islamiste en lieu et place du cocktail de bureaucratisme rentier et du libéralisme débridé qui saigne le pays. Si, cependant, tel était leur vœu, pourquoi les Algériens n'ont-ils pas voté pour Louisa Hanoune. Elle fait semblant d'ignorer que les Algériens n'ont voté ni “pour ça” ni “pour ceci”. Ils ont simplement fait comme elle : ils ont anticipé sur la victoire imposée et annoncée de Bouteflika. Ou plutôt ont-ils fait moins qu'elle : elle fut l'unique Algérienne prétendant à la fonction suprême, à défendre le candidat Bouteflika et à agresser ses adversaires, non pas parce qu'ils étaient ses propres concurrents, mais parce qu'ils critiquaient le candidat du pouvoir ! Mais voilà : l'intelligence avec l'adversaire ne paie pas toujours. Peut-être que le pouvoir estime que vingt-sept sièges à l'Assemblée nationale, c'est assez bien payé pour une course de lièvre politique. D'avoir été candidate ou candidat, pour qui connaît les capacités discriminantes des formalités administratives de candidatures, constitue en soi une récompense. Il semble que la responsable du PT a perdu patience, les félicitations présidentielles du lendemain du scrutin n'ont pas été transformées dans le sens qu'elle souhaitait. C'est donc le moment de s'opposer, la stratégie de complaisance intéressée ayant atteint les limites de son rendement. On n'existe pas longtemps dans ces rôles d'accessoire politique ; à un moment donné, si on ne partage pas le pouvoir, on est contraint de s'y opposer ou de disparaître. Visiblement désappointée par on ne sait quelle espérance déçue ou serment trahi, Louisa Hanoune retourne à son vieux rêve : pêcher dans le lagon islamiste avec des formules triviales comme celle du péril évangélique qui cible le facile bouc émissaire kabyle. Un trotskyste qui a des préférences confessionnelles, c'est pittoresque, même au pays du charlatanisme politique généralisé, mais c'est rentable. Le leader du PT s'effarouche timidement de la loi sur les hydrocarbures qui s'annonce et de la précarité des contractuels de l'administration. Après tout, la rente ça sert aussi à financer la participation aux élections et sans le pétrole, le paysage politique ne serait pas ce qu'il est. C'est même grâce au baril qu'on paye tous les vacataires, ceux de la Fonction publique comme ceux de la politique. Après son expérience électorale féminine, mais assez singulière, voici Louisa Hanoune retournée à ses bases. M. H.