On n'en est pas encore à la veille de la campagne pour les futures joutes électorales que certains partis semblent déjà entamer cette compétition. Le président du Front national algérien (FNA), après avoir fait le tour du pays, durant l'été et l'automne, pour restructurer son parti, a appelé ses troupes à une rencontre, le 7 décembre à Alger. Cette dernière est le prélude à la 7e session ordinaire de son conseil national qui devra se tenir le 21 décembre. Cette session sera consacrée aux préparatifs du prochain rendez-vous électoral, les locales et les législatives. Elle aura, selon M. Moussa Touati, à approuver le programme de campagne pour ce double scrutin. Quatre points seront débattus, à savoir l'étude des critères d'éligibilité et les conditions de candidature, l'évaluation organisationnelle, politique, et situation organique. Le parti de Moussa Touati se voit déjà prêt à entrer dans la prochaine bataille électorale pourvu que les règles du jeu soient respectées. Ayant déjà créé une surprise en 2002 en récoltant huit sièges à l'Assemblée populaire et 553 aux municipales, ce jeune parti, qui était presque sorti de l'anonymat en 1999, ne compte pas changer de stratégie électorale qui a, selon son président, déjà donné ses fruits. Le FNA est actuellement à la tête de 36 communes et représenté dans les APW par 19 élus. « Vu le parcours positif qu'on a emprunté en 2002, je ne crois pas qu'on va changer de stratégie », dit M. Touati. Celui-ci tient, toutefois, à préciser que son parti compte multiplier, à l'occasion de cette échéance, « des rencontres à l'échelle locale » pour, dit-il, « inculquer l'acte de voter » aux Algériens et défendre son objectif d'instaurer « un Etat de justice et d'équité ». Le credo du FNA : « Ancrer le nationalisme et le patriotisme au sein de la population algérienne et le rajeunissement de l'Etat algérien ». Le FNA place ses ambitions électorales très haut pour le prochain scrutin. Une façon pour ce parti de confirmer sa présence politique sur la scène nationale. « Actuellement, nous sommes présents dans les 48 wilayas, nous avons installé 1011 bureaux communaux, nous espérons aller de l'avant », dit M. Touati. La fraude, une préoccupation Ce faisant, il estime qu'il est temps de céder « les armes » au peuple, seul capable de provoquer le changement par le choix de ses gouvernants. Un changement qui ne peut être fait, selon le FNA, qu'à travers les urnes. M. Touati considère « qu'on ne peut pas aspirer à un changement sans passer par les urnes où la transparence sera assurée et la décision du peuple prise en considération ». Une attitude préoccupe encore toutefois le FNA : la fraude électorale. Il craint toujours que les prochaines élections ne soient pas honnêtes. « Jusqu'à maintenant, nous n'avons jamais eu un vote propre et honnête, il y a eu toujours de la fraude électorale, les chiffres ont toujours été gonflés et on n'a jamais expliqué pourquoi le peuple algérien a démissionné », regrette M. Touati. Pour ce dernier, « ce n'est pas avec les armes qu'on va redresser la situation pour assurer la démocratie et la liberté d'expression en Algérie, il faut d'abord protéger l'urne ». « Il faut que le choix de l'Algérien soit respecté », insiste-t-il encore. Du reste, le FNA, selon lui, se penche sur la manière de convaincre les Algériens d'aller voter au prochain scrutin. Il propose à ce qu'on apprenne aux Algériens ce que c'est que l'acte de voter. « Il faut enseigner dans les collèges et les lycées le droit civique pour expliquer le rôle d'un élu. » « Un électeur ne connaît pas vraiment le rôle exact d'un élu », a-t-il dit. Il réclame aux militants de son parti davantage de rigueur pour pouvoir exercer leur droit constitutionnel lors des prochaines élections, soit en tant que candidat ou en tant que simple électeur. C'est avec des propos virulents que le fils de chahid du FNA fustige les gouvernants actuels qu'il accuse souvent de « laxisme, de bradage » et de mauvaise gestion. M. Touati regrette l'absence d'égard de la part des gouvernants vis-à-vis du peuple. « Les dirigeants ne sont pas aptes à dialoguer, c'est par la force et la répression qu'ils répondent aux préoccupations du peuple », selon lui. Pour Touati, « les scandales qui font surface ces derniers temps ne sont en fait que des règlements de comptes entre clans de hauts responsables ». Il explique cela par l'absence d'une vraie justice dans le pays. « Il y a un laisser-aller de l'Etat sur tous les fronts », d'après lui. Il s'en prend également à certains partis, sans les nommer, qu'il accuse d'avoir baissé les bras « parce qu'il y a des intérêts de certains dirigeants politiques qui sont touchés ». Sur le volet économique, M. Touati estime que le développement économique en Algérie « ne produit que la fuite des compétences vers d'autres horizons et la quête d'un visa pour s'installer ailleurs ». Le FNA prône le capitalisme social. Le libéralisme est, selon le président de ce parti, contraire aux principes de l'Islam et à nos traditions. « Groupes d'intérêts » Mais, il est pour la libéralisation du marché dans le cas seulement où celui-ci encourage la production nationale. « On ne peut pas demander à des investisseurs de venir au moment où les nôtres (investisseurs) font fuir des capitaux vers l'étranger et trahissent dans ce cas le peuple algérien », a-t-il indiqué. M. Touati suggère d'injecter de l'argent dans l'industrie qu'il faut valoriser, selon lui, sans la création « d'une bourgeoisie susceptible de détourner des fonds vers l'étranger au détriment du peuple algérien ». Il recommande aussi une remise en valeur de la main-d'œuvre algérienne. Il salue, par ailleurs, l'amendement de la loi sur les hydrocarbures. Dans son état initial, cette loi était, selon le président du FNA, « anticonstitutionnelle », en faisant référence à l'article 17 de la loi fondamentale du pays. Au chapitre de la révision constitutionnelle, le premier responsable du FNA s'est dit satisfait du report du référendum à une date ultérieure. Il estime que ce report tombe à pic, et ce, pour permettre une large consultation politique et populaire, sachant que la position du FNA était pour un report dès lors qu'il considère que la révision « n'est pas une priorité nationale ». Le leader du FNA estime qu'il revient au peuple de décider de la nature du régime devant gouverner le pays. M.Touati trouve « antidémocratique » que la mouture d'un tel projet émane d'un seul parti politique ou qu'il soit imposé par les gouvernants sans qu'il y ait au préalable un débat libre et transparent auquel participeront tous les segments de la société. Il s'agit, pour M.Touati, dont le parti opte pour le choix d'un régime parlementaire, d'inviter le peuple à travers une charte à choisir, notamment entre les régimes parlementaire ou présidentiel et entre une économie capitaliste libérale, capitaliste sociale ou socialiste. Mais, d'ores et déjà, il rejette l'élaboration d'un projet de loi fondamentale « préparé sans ouverture de débats ou à sens unique ». M. Touati salue la charte pour la paix et la réconciliation nationale, mais il regrette que les bénéficiaires n'aient pas compris « le cadeau qui leur a été offert par le pouvoir et la minorité des Algériens qui a voté pour cette loi ». « Les terroristes et les gens du pouvoir ont intérêt à s'intégrer dans cette réconciliation pour que le peuple puisse sortir de la crise », dit il. M. Touati ne reconnaît pas l'existence de terrorisme dans notre pays. Il estime que « ce sont les groupes d'intérêts qui sont toujours là ». Et comment explique-t-on alors les différents attentats ? M. Touati est catégorique : « Ce sont les groupes d'intérêts. » Un terroriste, pour lui, n'a pas intérêt à tuer un journaliste, un policier ou un simple citoyen, le problème est autre… M. Touati suggère de refermer la plaie, ne pas chercher ce qui s'est passé, et de penser à l'avenir. Mais, selon lui, les familles des disparus ont le droit le plus absolu de connaître la vérité sur les cas de disparition ou d'enlèvement des leurs. « Il faut leur dire la vérité », affirme-t-il. M. Touati écorche l'Union générale des travailleurs algériens qu'il qualifie de « syndicat du pouvoir mais pas des travailleurs ». « Je crois qu'un syndicaliste qui ne vit pas avec son propre salaire ne peut pas être un syndicaliste », accuse-t-il. Il ne reconnaît pas, au demeurant, les résultats de la dernière tripartite où, selon lui, « il y a absence d'un réel représentant des travailleurs ». Aux yeux de M. Touati, « la tripartite n'a jamais étudié la question des salaires selon les conditions sociales des travailleurs ». M. Touati propose de créer à l'échelle locale « des centres pour prendre en considération les vraies préoccupations des Algériens ». Il trouve scandaleux qu'une famille algérienne continue de vivre avec moins d'un dollar/jour. Sur un autre volet, celui des relations bilatérales avec la France, il n'hésite pas à conditionner la signature d'un traité d'amitié et de bon voisinage au pardon et la reconnaissance officielle de tous les crimes et exactions qui ont été commis en Algérie durant la guerre de Libération nationale. M. Touati a expliqué l'attitude des Français qui ont osé créer la loi du 23 février 2005 par « la faiblesse de la politique de l'Etat algérien vis-à-vis de la France ». « Les Français, selon lui, convoitent toujours l'Algérie ». Bio express de Moussa Touati Ce natif de la wilaya de Médéa, plus exactement dans la localité Béni Slimane a vécu dans un environnement emprunt de militantisme. Il fera ses premières classes dans les centres destinés aux enfants de chouhada, et ce, de la période s'étalant de 1963 à 1971. Il a commencé, à partir de 1982, à militer dans les rangs de l'organisation qui a pris sur elle de venir en aide aux enfants de chouhada. D'ailleurs, le 18 février 1989 fut fondée, avec sa participation active, l'Organisation nationale des chouhada. Il mettra sur pied, par la suite, la Coordination nationale des enfants de chouhada qu'il dirigera jusqu'en 1998, année de la création du Front nationale algérien (FNA). Huit ans d'existence Des compagnons de lutte ont ébauché, sous sa houlette, l'idée d'un mouvement, le 17 novembre 1998. Seront tenues, par la suite, les assises du congrès constitutif, le 18 juin 1999. En réponse à ceux qui y voient avec scepticisme la création d'un nouveau mouvement, les affidés de Moussa Touati, président attitré du FNA, diront que le mouvement, présent sur tout le territoire national, est aux antipodes des autres partis politiques. Il se propose d'ailleurs de redonner ses lettres de noblesse à un nationalisme pas toujours vu avec indulgence par la frange juvénile.