La fondation Déserts du monde est née. Si l'on voulait faire dans le cynisme, on dirait que les promoteurs de l'initiative ont été bien avisés de baser leur organisation dans notre pays. Ce ne pouvait pas être possible pour jardins du monde, plages du monde, villes du monde ou toute autre catégorie de paysages tant l'insouciance écologique a toujours constitué une constante de nos pouvoirs. Le désert, pour vide qu'il paraît, n'est ni la platitude, ni la stérilité, ni le néant. Son immensité contient des trésors de sites, de matières organiques, de climats, de flore, de faune, de sensations et de magie. Et le Sahara ne fait pas exception au désert de la planète dans sa richesse. Pourtant, tout en étant si peu fréquenté, faute de sécurité et d'infrastructures, le désert algérien connaît une pollution endémique. Les oasis sont surexploitées ; les matériaux les plus incompatibles s'amoncellent autour des derricks en de hideuses montagnes de plastique et de ferraille, les roses de sable sont éradiquées ; le mouflon, la gazelle et l'outarde sont pourchassés pour victuailles à d'humains prédateurs en armes. Pourvu que le dessein des défenseurs des océans de sable ne soit pas de copier l'Algérie. Je préfère croire qu'en y amarrant le projet, l'intention est de nous apostropher, en premier, sur le mépris assassin dans lequel nous tenons notre désert. Dans le discours le plus officiel, ces 90% de notre territoire ne comptent que par leur sous-sol et par l'alternative financière que représenterait son potentiel touristique. Pour le reste, nous n'avons fait qu'ajouter du désert au désert. Que sont la Mitidja, la côte du Sahel ou la plaine d'Arzew devenues ? Le désert est une notion qui ne s'accommode point de l'étroitesse d'esprit et qui commande une vision qui porte. Les mirages des simples professions de foi sont aujourd'hui incompatibles avec le réalisme que la lutte des hommes pour la protection de leur Terre a enfin mis à l'ordre du jour. Le crime qui consiste à construire en détruisant a vécu : désormais on est responsables devant ses ouailles des constructions qu'on n'a pas réalisées, mais on est comptables devant l'humanité entière des dégâts qu'on n'a pas empêchés. Souvent, nos responsables, revenus d'une autre traversée du désert, ne pensent qu'à ériger des édifices pour nous faire contempler leur “travail”, les “quantitatifs”, cette horrible notion de “bâtisseurs” faisant foi et camouflant les viols répétés de notre espace. Bilan : des masses de béton et d'acier avec d'immenses dépotoirs autour. Ce Désert du monde tombé au milieu d'un de ces désastres environnementaux du monde serait providentiel si, pour une fois, même si c'est en matière de sécheresse, nous pouvions oser faire preuve d'imagination. M. H.