En guise de commémoration, un rassemblement a été organisé, hier, à la Maison de la presse, à Alger. On l'avait presque oublié : le 5 Octobre 1988 a permis, en “son” temps, de libérer les consciences et les champs politiques et médiatiques. En appelant à un rassemblement (hier) à la Maison de la presse Tahar-Djaout (à Alger), les animateurs du Comité Benchicou pour les libertés, né d'une assemblée générale organisée jeudi dernier, voulaient combattre l'amnésie et encourager la poursuite de l'esprit des jeunes révoltés de la capitale, étouffés par la répression, condamnés par la rémission ; des jeunes rejoints, treize années plus tard, par un mouvement citoyen, à son tour, submergé par l'enlisement, essoufflé par l'usure. Entre les deux générations, la société a tenté de lutter, y parvenant presque, mais elle a été vite remise au pas. “Qu'importe, s'est insurgé un des animateurs, des espaces de liberté sont acquis, à nous de faire en sorte qu'ils soient préservés”, car, a fait remarqué un autre, “sans le 5 Octobre 1988 et le sacrifice des jeunes, ces espaces n'existeraient sans doute même pas aujourd'hui”. Il fallait, ainsi, répondre au pessimisme du président de l'Association des victimes d'octobre (AVO-1988), pris par la faiblesse, ou peut-être la justesse, de dire : “Ces évènements sont aujourd'hui oubliés, comme l'est déjà Mohamed Benchicou (le directeur du Matin, qui purge une peine de prison de deux années fermes depuis le 14 juin dernier, ndlr), j'en suis sincèrement à me demander si le sacrifice en vaut la peine ?”. Au rassemblement d'hier, il est vrai, n'étaient présents que quelque dizaines de personnes, parmi lesquelles des représentants du CCDR, du mouvements citoyen de Kabylie, d'AVO et du Rassemblement action jeunesse (RAJ). Il est des moments, en effet, où la solidarité prend les allures de vain mot. Cependant, il est toujours utile de rester “présents pour notre passé, conscients pour notre avenir”, recommanda un membre de RAJ ; l'association a organisé, vers 13h 00, à la place des Martyrs, un rassemblement commémoratif du 16e anniversaire des évènements. Belaïd Abrika, figure de proue du mouvement citoyen de Kabylie, a indiqué qu'il serait inconvenant de “cultiver le désespoir, au lieu de continuer à mobiliser et se mobiliser davantage pour une Algérie plurielle et démocratique”. D'autant que la mère du défunt Zineddine Aliou Salah, alias “Zinou”, journaliste à Liberté tué — le 6 janvier 1996 — par des terroristes, était “parmi ses enfants”. Son “fils n'a pas fui, il est mort en héros, dans son pays ; malheureusement, ses assassins sont aujourd'hui chez eux, libres” . Le 5 Octobre 1988 ? “Oh ! il s'est passé des choses horribles”, se souvient un des animateurs du Comité, aujourd'hui membre du Mouvement démocratique et social (MDS) de Hachemi Cherif. “Des gens sont morts – certains déchiquetés par des baïonnettes —, d'autres torturés comme au temps de Bigeard — Ras Kabous a été émasculé — ou jetés en prison tels des malfrats – c'est le cas de la journaliste Dhahbia Yacef (aujourd'hui décédée, ndlr)”, a-t-il raconté. Le Comité Benchicou pour les libertés demande la libération du directeur du Matin et de Hafnaoui Ghoul, correspondant de presse et représentant de la Laddh à Djelfa, incarcéré depuis le 24 mai dernier à la maison d'arrêt du chef-lieu de wilaya. L. B.