Liberté : La 4e commission de l'ONU a adopté récemment une résolution réaffirmant le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui. Quel est l'impact de ce document ? M. Mohamed Yeslam Beïssat : La résolution de la commission chargée de la décolonisation a été une victoire pour le peuple sahraoui, elle a confirmé la validité du plan de règlement de l'ONU de 1990-1991 et du plan Baker, comme solution optimale. Le Maroc n'a pas réussi à introduire les amendements qu'il voulait. Ce qu'il faut retenir, c'est que la 4e commission continue de s'occuper du dossier de décolonisation du Sahara occidental et d'écouter les Sahraouis comme une partie en conflit avec l'occupant marocain. Seuls 52 pays ont voté pour ladite résolution, alors que 89 autres se sont abstenus. Ces abstentions n'influent-elles pas justement sur la validité de la résolution ? Dans la procédure des Nations unies, ce sont les voix pour et les voix contre qui comptent. Le nombre d'abstentions n'influe aucunement sur la validité juridique de la résolution. Les pays qui se sont abstenus ont d'ailleurs expliqué leur choix. Ils ne sont ni avec ni contre l'une des deux parties en conflit et ils appuient le principe d'autodétermination du peuple sahraoui. Ces pays ont opté pour l'abstention pour exprimer une position politique, en l'absence d'un consensus. Trouvez-vous normal que l'Espagne, ancien colonisateur du territoire sahraoui, choisisse l'abstention ? Ce qui serait normal pour un pays démocratique, c'est que celui-ci exprime la voix ou le sentiment de l'opinion publique, du Parlement. Nous savons que le peuple espagnol n'est pas pour l'abstention. Il a voté récemment pour l'autodétermination du peuple sahraoui, dans les deux chambres du Parlement, les 17 communautés autonomes et les différents villages. Pour cette raison, nous avons été surpris par l'abstention du gouvernement socialiste espagnol. Seulement, cette abstention ne réduit en rien la responsabilité historique de l'Etat espagnol par rapport au sort tragique du peuple sahraoui et à ce drame qui dure depuis 30 ans. M. l'ambassadeur, Kofi Annan vient de remettre son rapport au Conseil de sécurité de l'ONU. Quelle est votre appréciation sur ce rapport ? Le secrétaire général des Nations unies a parlé d'impasse dans son rapport. C'est le résultat de l'intransigeance du Maroc qui a rejeté le plan Baker, pourtant adopté à l'unanimité par le Conseil de sécurité. À partir du moment où le responsable de cette impasse est connu de tous, nous exigeons que la communauté internationale, particulièrement le Conseil de sécurité, prenne les mesures appropriées, pour amener le Maroc à se conformer à la légalité internationale et à respecter ses engagements, et pour mettre fin à la rébellion marocaine contre les résolutions de l'ONU. Le Conseil de sécurité se réunira le 28 ou le 29 octobre prochain, pour examiner la question sahraouie. À quoi vous attendez-vous ? Nous pensons que la communauté internationale n'a pas employé tous les moyens nécessaires pour contraindre le Maroc à accepter et à appliquer le plan Baker, comme il a été signalé dans la résolution 1495. Cette fois-ci, nous souhaitons que la prorogation du mandat de la Minurso (Mission des Nations unies pour un référendum au Sahara occidental, ndlr) soit accompagnée d'un avertissement du Conseil de sécurité à l'encontre du royaume marocain, aux fins de l'amener à présenter une contribution historique pour la paix et la sécurité dans la région, à travers l'acceptation des termes de la résolution de juillet 2003. Si certaines parties continuent d'insister sur une solution “mutuellement acceptable”, il faudra alors rappeler que la seule solution mutuellement acceptée par le Front Polisario et le Maroc est le plan de règlement de 1990-1991, qui a été appuyé par les accords de Houston, également acceptés par les deux parties. Comment expliquez-vous qu'à l'heure de la polémique autour du dossier du Sahara occidental, on entend très peu la voix des Sahraouis ? Je pourrais reposer la question autrement : pourquoi les médias lourds, tels que notamment les télévisions satellitaires et les grandes agences de presse, ne donnent-ils pas les mêmes opportunités aux parties concernées par le conflit du Sahara occidental ? Cette question en appelle une autre : faut-il attirer l'attention des médias lourds par le sang, les explosions et la terreur ? Je dirais non. J'espère que la voix des nomades sahraouis, patients, équilibrés et pacifiques, prendra le même espace dans les médias lourds que celui accordé à la voix intransigeante et belliciste du Maroc. H. A.