L'administration US a créé la guerre internationale contre le terrorisme et étouffé le multilatéralisme. La question irakienne aura marqué d'une pierre noire le règne de George W. Bush. Rendue possible par les attentats terroristes du 11 septembre (2001) contre le World Trade Center et le Pentagone, la guerre contre le régime de Saddam Hussein a été suivie, selon la stratégie des faucons de la Maison-Blanche, d'une occupation prolongée du pays de Babylone. Ce faisant, Bush et ses conseillers ont prétexté la menace terroriste pour redéfinir de nouvelles bases de fonctionnement pour la diplomatie internationale. L'agression et l'invasion n'ont pas été autorisées par l'instance suprême mondiale de règlement des conflits, à savoir les Nations unies ; elles ont été légitimées unilatéralement par le recours à un principe usurpé, celui du droit des peuples à l'autodéfense. Le cadre multilatéral de l'espace onusien a été ouvertement balayé par des pièces à conviction sorties des têtes désordonnées des génies du renseignement américain. Colin Powell, pourtant moins enclin à la manière forte que ses rivaux à l'intérieur de l'Administration — Paul Wolfowitz, Richard Pearl, Dick Cheney et Condoleezza Rice — dut se déployer, un jour de février 2003, pour montrer aux représentants du monde, réunis au Conseil de sécurité, des images satellitaires que la suite des événements a catégoriquement démenties. Les traces supposées d'armes de destruction massive ont été définitivement effacées, il y a quelques semaines, par les propres inspecteurs du Congress. George W. Bush reconnaîtra lui-même devant les caméras de la télévision qu'il n'y avait jamais eu de lien entre Saddam Hussein et les attentats du 11 septembre. Le départ des talibans du pouvoir à Kaboul a déçu les ambitions de l'ex-gouverneur du Texas. Oussama Ben Laden restait introuvable, et le pilonnage des montagnes afghanes n'y changera rien. Il fallait tout de suite occuper l'esprit américain par un autre ennemi, si dictateur, si vulnérable, si idéal qu'il était aisé de le mêler aux fameux attentats. De là naît l'idée de la lutte internationale contre le terrorisme, le raisonnement étant : “Les Etats-Unis ont été attaqués, ils ont le droit de riposter.” Bush ignore l'ONU et part en guerre. Mais cette fois, la maîtrise des matières premières n'est plus le seul dessein de l'Administration, la protection de l'Etat d'Israël redevient aussi une question prioritaire qui nécessite la pacification de toute la région. S'ensuivent d'ailleurs des menaces contre l'Iran et la Syrie ; des menaces destinées davantage à la dissuasion qu'à de quelconques velléités de représailles insensées. Plus tard, la stratégie américaine se fait plus explicite avec l'annonce du souhait de concrétiser le projet du Grand-Moyen-Orient (GMO), consistant en gros à favoriser l'instauration de régimes démocratiques dans les pays arabo-musulmans, y compris ceux de l'Afrique du Nord. Une démocratisation, ainsi réalisée, permettra à Israël de vivre une paix durable avec des voisins débarrassés des pulsions islamistes hostiles. L'Irak demeure sous les feux des GI's. La stabilité promise par Bush s'est transformée en enlisement. Les hommes placés par l'Administration au sein du Conseil national peinent à gagner l'estime de la population. Le problème reste posé. L. B.