Il est accusé d'incitation à l'émeute, d'incendie volontaire, d'atteinte à l'ordre public et d'agression à l'arme blanche. Le Dr Kameledinne Fekhar est retourné, hier, en prison au terme de son audition dans la matinée par le juge d'instruction près la cour de Ghardaïa. Coiffé de nombreuses casquettes, le prévenu est à la fois premier secrétaire régional du Front des forces socialistes (FFS), représentant de la Ligue algérienne de la défense des droits de l'Homme (Laadh), élu à l'assemblée populaire communale et membre du mouvement des archs du Sud. De l'avis des avocats, cette quadruple qualité est à l'origine de l'incarcération de leur client. Officiellement, la justice reproche au Dr Fekhar non seulement, d'avoir pris part à la manifestation des commerçants de Ghardaïa, il y a un mois, pour protester contre une opération de contrôle combinée des services des douanes, du commerce et de la qualité et des prix, mais aussi de les avoir incités à l'émeute, pis d'avoir coupé la route, incendié des édifices publics et agressé les agents de l'ordre à l'arme blanche. Ce sont autant de délits relevant de la juridiction pénale et qui peuvent lui valoir une peine très lourde. Cependant, le Dr Fekhar reste serein. “Il va très bien”, assure Me Abdelmoutalib Guenane, l'un des avocats qui l'ont assisté lors de son passage devant le magistrat. L'élu FFS a gardé la tête froide en dépit des intentions franches du juge de le maintenir coûte que coûte en détention. Il lui a ainsi signifié qu'il a peu de chances d'obtenir la liberté provisoire alors que 11 autres détenus, arrêtés pour les mêmes faits, croupissent encore derrière les barreaux. Le Dr Fekhar fait partie des cinq représentants du FFS et de la Laadh qui ont été ciblés par des mandats d'arrêt au lendemain des émeutes qui ont embrasé la vallée du M'zab. Si les autres, demeurés à Ghardaïa, n'ont pas encore fait l'objet d'interpellation, de son côté, lui a été appréhendé à Alger, à Aïn Bénian plus exactement, à la sortie de la conférence animée par MM. Aït Ahmed, Hamrouche et Mehri, la veille du 1er Novembre. Pourquoi lui et pas les autres ? Cette question taraude ses avocats. Joint au téléphone, un de ses compagnons, en l'occurrence M. Mohamed Zelmamine, président du bureau local de la Laadh est également intrigué. En délit de fuite, il a réussi jusqu'à maintenant à échapper aux filets de la police. A-t-on choisi de sanctionner le Dr Fekhar pour l'exemple ? Me Guenane partage en partie ce raisonnement. En outre, il pense que l'administration locale a trouvé prétexte dans l'affaire des commerçants pour solder ses comptes avec l'élu FFS. Sinon explique l'avocat, pourquoi le juge d'instruction a-t-il déterré un rapport sur la gestion contestable de la wilaya, fait au nom du mouvement du Sud et datant du mois d'avril dernier ? De prime abord, la pièce en question n'a rien à voir avec le dossier d'inculpation. Or, cette exhumation tient dans la volonté de faire taire définitivement les voix discordantes. À Ghardaïa pourtant, le retour au calme relève d'un pur vœu pieux. Le sort incertain des onze détenus, toujours en attente de leur procès, et la sentence lourde, infligée à onze autres, alimentent la tension et nourrissent les rancunes de la population. La semaine prochaine auront lieu les procès en première instance et en appel. De la nature des verdicts dépendra la suite des évènements. La quiétude de toute une région en est tributaire. S. L.