Des moments pénibles et éprouvants ont été vécus par un équipage qui aura fait preuve d'ingéniosité pour se tirer de la mauvaise passe jusqu'à la dernière minute. Hélas, leurs efforts ne leur ont pas épargné un drame inattendu. Si le jeune Boubaker Razoug, âgé de 22 ans, a eu la vie sauve, c'est surtout grâce au fait qu'il s'est jeté à temps dans la mer. Le rescapé du navire Béchar souffre de blessures sans gravité. Il présente quelques traumatismes, mais il est hors de danger. “Que puis-je dire, merci à Dieu, c'est tout. J'aurais pu rejoindre mon défunt père, lui aussi était matelot”, dit-il. Sorti de l'hôpital Mustapha-Bacha où il était hospitalisé depuis samedi, le jeune garçon de quais a retrouvé sa famille à Bab Ezzouar dimanche matin. En ce samedi dramatique, l'équipage était réduit. Seulement 19 marins étaient à bord. “Nous étions 27 personnes sur le navire, mais à l'occasion de l'Aïd, neuf matelots sont sortis en rotation”, raconte le rescapé. Ce jour-là, l'équipage se trouvait à leur poste à l'intérieur du navire qui n'a pas quitté le port d'Alger depuis plus de huit mois. Selon le rescapé, ce denier était destiné à la réparation à partir du 27 novembre. “Nous avions l'habitude du mauvais temps, et comme c'était un vent nord-ouest, nous ne nous sommes pas inquiétés car nous savions qu'il allait s'estomper après deux ou trois heures de temps. On était loin de penser qu'il allait causer autant de dégâts”. Il était 14h lorsque le capitaine de bord du navire Béchar lance le premier SOS. “En début d'après-midi, vers les coups de 14h30, nous avons commencé à nous inquiéter car la tempête devenait de plus en plus forte. C'est là que le Raïs avait lancé un SOS aux garde-côtes, ces derniers nous ont demandé de patienter car à cause de la tempête le bateau de remorquage était bloqué dans l'impasse du port. Le vent soufflait de plus en plus fort et il fallait faire quelque chose pour sauver l'équipage”, explique-t-il. C'est en tentant de faire sortir le navire au large afin d'éviter de couler que la tempête les a surpris, éjectant ainsi le bateau sur le récif de l'amirauté d'Alger. Dans un premier temps, le bateau a heurté un rocher, puis il s'est retrouvé bloqué dans une impasse. C'est en faisant des manœuvres que le navire est rentré en collision avec le récif. “Nous avons senti l'odeur du fuel, mais on gardait toujours l'espoir d'échapper à la mort. C'est lorsque j'ai tenté de descendre plus bas, que j'ai vu l'eau submerger les cabines, c'est alors que j'ai compris que c'était trop tard”, confie notre interlocuteur et d'ajouter : “Nous étions tous regroupés à l'arrière du bateau car il commençait à sombrer. Le capitaine nous a demandé de quitter le navire, mais personne n'a voulu exécuter l'ordre. Karim, un des membres de l'équipage, a eu le courage de faire descendre une chaloupe en mer, soudain elle a chaviré, et comme il n'avait pas de gilet de sauvetage j'ai sauté, moi aussi, dans l'espoir de le sauver. Je suis arrivé trop tard, la mer était déchaînée et le courant l'a emporté”, nous confie le jeune matelot. C'est ainsi que Boubaker a passé au minimum trois heures en mer avant que les garde-côtes ne le repêchent. “Il faisait tellement froid que je ne sentais plus mes membres, j'avais une torche allumée que je tenais précieusement dans les mains afin que les garde-côtes me remarquent. J'étais en pleine mer, je regardais mon bateau couler doucement avec les membres de l'équipage qui hurlaient à qui voulaient bien l'entendre “Allah Akbar” pendant que certains lançaient des SOS avec des fusées”. N. A.