L'ouverture du Salon de l'éducation jeudi dernier à Paris (porte de Versailles) a coïncidé avec le jour choisi par le ministre du secteur, François Fillon, pour présenter les grandes lignes de la nouvelle loi d'orientation fixant l'avenir de l'école La lecture, l'écriture, la connaissance d'une langue étrangère au moins ainsi que la maîtrise de l'outil informatique sont les fondements de cette réforme qui ressemble à s'y méprendre à celle préconisée chez nous par la commission Benzaghou. Cependant, si le débat suscité en Algérie autour du renouvellement des méthodes d'enseignement est surtout l'apanage des islamo-conservateurs, dans l'Hexagone, les partisans d'une école laïque occupent le devant de la scène. D'ailleurs, une partie des thématiques retenues dans le cadre du Salon de l'éducation répond à cette préoccupation. D'autres questions sont débattues par les spécialistes et les professionnels. Elles sont à la fois d'ordre moral et pédagogique. On y parle aussi bien de lutte contre la discrimination que d'informatique. Au chapitre de l'apprentissage, les nouvelles technologies, les critères de recrutement des enseignants et leur formation, l'insertion professionnelle animent les forums de discussions. La participation de tous les partenaires (institutions, ministères, associations de parents d'élèves et syndicats) permet à chaque partie d'apporter son point de vue. Un tel conclave devrait donner à réfléchir aux autorités algériennes sur la nécessité d'impliquer tous les partenaires socioéducatifs dans l'élaboration d'une politique juste qui prenne à la fois en charge les besoins des élèves et des enseignants et extirpe l'école de son sinistre. En tout cas, la présence de délégués du département de Boubekeur Benbouzid au salon aurait grandement contribué à l'émergence de cet état d'esprit. Hélas, il n'en est rien ! Pour sa sixième participation, et ce, depuis la première édition du salon en 1998, les autorités se contentent d'y envoyer une délégation composée essentiellement de représentants du ministère de la Formation professionnelle. Leur intérêt étant consacré à l'acquisition de nouvelles connaissances et d'équipements en matière d'apprentissage, elles font montre d'une négligence criminelle en ce sens où l'école constitue une priorité, le train de la modernité, alors que les centres de formation professionnelle sont souvent les récipiendaires des recalés du système éducatif, celui-là même qui n'a pas bénéficié des honneurs de (la porte de) Versailles. Cela en valait pourtant le détour. Etendu sur une superficie de 72 000 mètres carrés, le Salon de l'éducation accueille, et ce, jusqu'à dimanche prochain, 20 000 exposants dont des représentants d'universités européennes et nord-américaines. Il est en outre attendu quelque 500 000 visiteurs. Beaucoup sont des jeunes en quête d'une filière universitaire attractive et font partie de la faune qui assaille les différents stands. De nombreuses écoles y ont, par ailleurs, dépêché leurs représentants pour prospecter le vaste marché de l'éducation avec ses nouveaux outils didactiques et ses supports multimédias. Pour sa part, la délégation algérienne conduite par le chef de cabinet du ministère de la Formation professionnelle est restée concentrée sur les offres des professionnels du secteur en vue de l'équipement des CFPA en matériels d'apprentissage nouveaux. Mezaoui Ahmed est à sa troisième participation au salon. Il est directeur général du Fonds national du développement de l'apprentissage et de la formation continue (Fndafc). Son séjour dans la capitale française devra lui permettre de négocier des contrats avec des entreprises, à l'instar de Real-Meca spécialisée dans la fabrication de machines d'usinage à commande numérique. Il est notamment prévu l'acquisition de deux machines. En 2002, deux firmes, Citroën et Schneider électrique, se sont vues sollicitées aux mêmes fins par le département de M. Khaldi. “Ce genre de salon nous inspire dans la révision de notre nomenclature de filières. Il nous pousse également à souscrire à la méthode de l'apprentissage en entreprise en vue de garantir l'insertion professionnelle des stagiaires”, explique le directeur du Fndafc. De son côté, Makhlouf Slimane, directeur du Lycée sportif d'Alger, est venu à Paris afin de renforcer le dispositif d'enseignement multimédia mis à la disposition des élèves athlètes… Ce sont là autant de considérations qui accaparent les envoyés d'Alger. À Paris, le plus grand souci des organisateurs est de donner au salon une dimension intellectuelle. L'initiateur de cet événement est la Ligue de l'éducation, une confédération fondée en 1866 et qui a largement contribué à la démocratisation de l'enseignement. Forte de 2 millions d'adhérents, elle milite aujourd'hui pour un enseignement de qualité. Selon M. Criner, un de ses vice-présidents, la loi d'orientation proposée par le ministre Fillon est loin de répondre à cet impératif dans la mesure où elle constitue un trompe-l'œil. “L'école se porte bien. C'est son environnement qui va mal”, soutient-il. Notre interlocuteur pense que le retour aux règles élémentaires du savoir telles que prônées par le gouvernement Raffarin vise à justifier le dégraissement dans le corps enseignant. S. L.