Au vu du déroulement de la campagne électorale, l'on se dirigerait tout droit vers un duel entre Béji Caïd Essebsi et Mohamed Marzouki au second tour de ce scrutin présidentiel, qui constitue l'apothéose de la période de transition qu'a vécue la Tunisie depuis la chute de la dictature de Zine El-Abidine Ben Ali en janvier 2011. Ils ne sont plus que 22 candidats à la présidentielle, sur les 27 inscrits, au départ, à s'en remettre aujourd'hui aux urnes pour l'accès au palais présidentiel de Carthage. Leur campagne électorale a pris fin vendredi soir, la journée du samedi étant décrétée journée du silence électoral. L'Instance supérieure indépendante des élections (Isie) se dit prête à relever le défi du scrutin présidentiel. D'autant plus qu'il s'agit de la première élection présidentielle libre et indépendante depuis l'accession de la Tunisie à l'indépendance. C'est la deuxième fois après les législatives de 2011 que les élections sont régies par une instance indépendante du ministère l'Intérieur. Faisant son "mea culpa" après les législatives du 26 octobre, cette instance a reconnu ses erreurs qui, du reste, n'ont pas influé sur les résultats. Elle a apporté les correctifs idoines pour assurer au scrutin présidentiel de meilleures conditions. Des chefs de bureau de vote jugés "incompétents" ont été remplacés et un horaire adapté aux conditions particulières des zones à haut risque a été adopté. Il s'agit des régions frontalières de l'Algérie (Jendouba, Kasserine et El-Kef) où, contrairement, aux autres régions du pays, une cinquantaine de bureaux de vote ouvriront leurs portes pendant une courte durée, soit de 10h à 15h. À la frontière sud, les bureaux fonctionneront de 8h à 18h, à l'instar des autres régions du pays, sachant que les postes frontaliers tuniso-libyens ont été fermés au trafic depuis trois jours. C'est un moyen de protéger ces bureaux contre d'éventuelles attaques terroristes. En ce qui concerne le transport de la matière électorale vers toutes les régions du pays, l'Isie a renouvelé l'expérience de la collaboration avec le ministère de la Défense nationale qui avait pris en charge, avec succès, cette mission lors des législatives. L'armée est également sollicitée pour venir en renfort aux forces de police et de la Garde nationale pour sécuriser tous les bureaux de vote. Ainsi, 38 000 soldats sont à pied d'œuvre depuis plus d'un mois. L'Isie a aussi réagi positivement aux doléances des électeurs à l'étranger qui ont commencé à se rendre aux urnes vendredi. Une campagne d'une durée d'une semaine avait permis à ces derniers de changer de lieu de vote pour éviter les longs déplacements. Cependant, les derniers jours de la campagne ont vu l'un des favoris, le nonagénaire Béji Caïd Essebsi changer de ton envers tous ses adversaires en engageant son parti à gouverner avec toutes les composantes politiques du pays. En revanche, Mohamed Marzouki persiste et signe. Pour lui, il n'est pas question de "mettre le pouvoir entre les mains de ceux qui ont poussé le peuple à se révolter", allusion faite à Béji Caïd Essebsi, le candidat du parti accusé d'avoir recyclé les anciens du RCD dissous. Dans ce contexte, on a assisté à une remontée de deux candidats enterrés avant l'ouverture des urnes. Il s'agit de Hamma Hammami (Front populaire) et du milliardaire Slim Riahi (UPL) dont le passage au deuxième tour ne constituera plus une surprise. Cependant, tout comme la campagne des législatives, celle de la présidentielle a été entachée de certaines irrégularités. L'Isie a été aux aguets. Tous les dépassements ont été relevés à temps et plusieurs dossiers ont été transmis au parquet, car, dit cette instance, il s'agit de "crimes" électoraux. Le scrutin présidentiel sera suivi par 27 000 observateurs (tunisiens et étrangers) et 70 000 représentants des candidats. Les résultats seront proclamés, selon l'Isie, 48 heures après la fermeture des bureaux de vote. Quant aux législatives, leurs résultats définitifs ont été proclamés à la veille du scrutin présidentiel suite au verdict du tribunal administratif saisi de plusieurs recours. En vertu de ces résultats, "Nida Tounès" a obtenu 86 sièges suivi du parti islamiste (69 sièges), de l'UPL de Slim Riahi (16 sièges) du Front populaire (15 sièges) et de "Afek Tounès" (8 sièges). Les sièges restants, au nombre de 23, seront répartis entre d'autres partis malchanceux ou des candidats indépendants. M. K.