C'était la principale annonce de la récente Conférence sur le développement économique et social organisée à Club des Pins. Dans son discours d'ouverture, le Premier ministre, Adelmalek Sellal, a assuré qu'à l'avenir les infrastructures économiques de base seront de moins en moins financées par le budget de l'Etat. Confrontées à la réduction de leur marge de manœuvre budgétaire et à des dépenses de fonctionnement jugées "incompressibles", les autorités algériennes pensent avoir trouvé une parade. On peut parier que le budget d'équipement (qui représente en moyenne près de 40% du total des dépenses de l'Etat) sera au cours des prochaines années la véritable variable d'ajustement face à l'évolution du marché pétrolier mondial. Au début du mois de novembre à Club des Pins, on a surtout cité les exemples des infrastructures portuaires ou des aéroports dont la réalisation pourrait être confiée à l'avenir à des entreprises publiques recourant au secteur bancaire pour financer leurs investissements. On a juste oublié apparemment de mentionner le fait que cette évolution est déjà largement amorcée. Depuis la fin de l'année 2011, en vue d'utiliser leurs ressources financières excédentaires, les banques commerciales publiques sont en effet sollicitées massivement par l'Etat pour financer les investissements réalisés dans les infrastructures économiques et sociales, en lieu et place du Trésor public, qui assurait encore presque exclusivement ce rôle jusqu'à une période récente. Au mois d'octobre dernier, le délégué général de l'Abef, M. Abderrezak Trabelsi, rappelait ainsi que la mise en œuvre récente de la politique destinée à réduire l'excès des liquidités bancaires a été conduite grâce au financement bancaire de programmes économiques naguère budgétisés. M. Trabelsi mentionnait, à titre d'exemple, Sonelgaz qui doit bénéficier de 1400 milliards de DA et le programme de logements LPP de 1060 milliards de DA. Quand la CNEP devient la "banque de Sonelgaz" Voici quelques mois, c'est un communiqué de la Cnep passé un peu inaperçu dans les médias nationaux qui annonçait que cette dernière a été récemment appelée au chevet de Sonelgaz dont elle finance, depuis le début de 2012, les investissements en mobilisant ses excédents colossaux. Les crédits à l'investissement accordés par la Cnep ont atteint 343 milliards de DA (plus de 4 milliards de dollars) en 2012. A elle seule Sonelgaz a bénéficié de 312 milliards de DA soit près de 90% des crédits à l'investissement octroyés par la Cnep en 2012. En comparaison, et pour donner une idée de l'importance de cette décision, la "banque de l'habitat" n'a accordé, en dépit d'une progression très sensible de son activité dans ce domaine, qu'un peu plus de 40 milliards de DA de crédits immobiliers en 2012. Et le CPA devient la "banque du logement" Au printemps 2013, le ministre de l'Habitat et le PDG du CPA annonçaient en chœur et triomphalement "la plus grosse opération de financement par concours bancaire dans l'histoire de l'Algérie". La banque du boulevard Amirouche doit, à ce titre, prendre la tête des financements syndiqués assurés par l'ensemble des banques d'Etat au profit de la relance des programmes AADL et de logements promotionnels LPP. Au total, 1200 milliards de DA (soit 15 milliards de dollars) seront versés par l'ensemble des banques publiques algériennes pour mener à bien ces projets immobiliers. Cette décision était commentée avec enthousiasme par le ministre de l'Habitat, Abdelmadjid Tebboune, pour qui "l'Algérie vient, grâce à ces conventions, de franchir une étape extrêmement importante dans la reconversion de l'économie nationale grâce à la nouvelle stratégie du secteur de l'habitat qui vise à alléger les charges sur le Trésor en impliquant les banques publiques dans la réalisation de ses projets". Des risques importants Un enthousiasme pas forcément partagé par la plupart des spécialistes qui observent avec perplexité les transformations récentes, et massives, de la structure du portefeuille des banques publiques au profit du financement des infrastructures économiques et sociales tandis que l'investissement productif peine encore à décoller. Les dernières décisions concernant la Cnep et le CPA affectent en réalité l'ensemble des banques publiques à travers la pratique des "crédits syndiqués" qui ont mobilisés au total l'équivalent de 8 milliards de dollars pour la seule année 2012. Aux yeux de beaucoup de spécialistes, les évolutions récentes du secteur bancaire algérien sont porteuses de risques importants pour la structure du portefeuille des banques publiques et leur solidité financière. H. H.