Le prix du pétrole est passé sous la barre des 70 dollars à Londres. Question immédiate : que peut faire le gouvernement en matière de réduction des importations ? Dans cette contribution, Mouloud Hedir(*) livre des éléments de réponse. Il estime, de prime abord, que le problème n'est pas dans "la gestion des importations" mais dans "le commerce extérieur" de l'Algérie et, "in fine, dans son économie". Je ne sais pas ce que le gouvernement va décider en pratique. Comme c'est la dépense publique qui alimente l'importation, je présume qu'il n'aura pas d'autre choix que de s'attaquer aux gaspillages les plus flagrants en mettant de l'ordre dans ses budgets et en réduisant la voilure de tous ces immenses programmes d'équipements visiblement mal conçus, mal maturés et sources de très gros surcoûts. Il faudra sans doute passer aussi par une rationalisation de cette politique de subventions tous azimuts, dont l'essentiel bénéficie à des produits importés. Par ailleurs, il est évident que tous ces budgets consacrés à acheter la paix sociale vont devoir connaître, tôt ou tard, des coupes sérieuses. Mais au total, comme une telle réorientation de la politique budgétaire est politiquement risquée, je présume qu'il fera le dos rond, dans l'espoir, vain à mon sens, que les prix pétroliers vont finir par remonter. Dans un premier temps, il ira donc vraisemblablement puiser dans les ressources du Fonds de régulation pour combler les déficits annoncés. Plus fondamentalement, ce serait une erreur dramatique de considérer que le problème est celui du niveau des importations. D'ailleurs, cela ne marche pas. Faut-il rappeler que cela fait cinq années, depuis ces fameuses mesures de la LFC 2009, que le gouvernement s'était donné comme objectif de réduire les importations. Depuis, celles-ci sont passées de 40 à près de 60 mds de $ US. Preuve en est que le problème de notre pays n'est pas dans la gestion de ses importations mais dans celui, plus globalement, de son commerce extérieur et, in fine, dans l'ensemble de son économie. Dans un système efficace, l'augmentation des importations n'est pas un mal, elle est même souhaitable quand elle contribue à diversifier et accroître les exportations. Et puis, la vérité économique, c'est que les importations baisseront mécaniquement le jour où les recettes d'exportations de pétrole et de gaz ne seront plus là. Quand on n'aura plus de moyens de paiement, forcément, nos achats se réduiront d'eux-mêmes. Ce qui, pour une économie qui vit de la vente des ressources de son sous-sol, arrivera un jour ou l'autre. J'espère bien que ce n'est pas le chemin que notre pays choisira parce qu'il mène à une impasse, du type de celle vécue au milieu des années 1980. Les voies du salut, tout le monde les connaît, mais malheureusement, le consensus politique privilégie jusque-là la dépense facile, le gaspillage et l'importation débridée. Face à la crise qui vient, cela devrait commencer par la reprise en main des destinées de notre commerce extérieur. Je remarque, à ce sujet, qu'aucune administration n'a en réalité en charge la gestion de nos échanges extérieurs. Beaucoup d'administrations (le commerce, les finances, l'industrie, l'agriculture, l'énergie, les travaux publics, etc.) exercent des parcelles de pouvoir sur le commerce extérieur, mais l'Etat algérien, en tant qu'institution, ne s'est toujours pas donné les moyens de le maîtriser et de l'orienter. C'est triste à dire, mais depuis la libéralisation commerciale, il a quasiment abdiqué ses responsabilités en matière de politique commerciale externe. Le ministre du Commerce, lui-même, exerce moins de pouvoirs sur les échanges extérieurs que de très nombreux importateurs. Depuis dix ans qu'existe un Conseil de soutien aux exportations, il n'est même pas arrivé à l'installer. Et pour un pays qui dépend autant de son commerce extérieur, il est paradoxal que jamais, à ma connaissance, le Conseil des ministres n'a eu à examiner le bilan annuel de nos relations économiques avec le monde. Jusqu'en 1990, le gouvernement était tenu par la loi de présenter chaque année un tel bilan et d'en débattre publiquement au sein du Parlement. En vérité, la gestion du commerce extérieur algérien est totalement sinistrée. Si la crise actuelle nous permet d'ouvrir les yeux sur les graves dangers qui nous guettent, on pourra dire un jour qu'elle aura été salvatrice. M. H. (*) Mouloud Hedir est économiste. Il est diplômé de l'ENA Alger (1977). Ancien fonctionnaire des services économiques de la présidence de la République (1979-1995). Ancien DG du commerce extérieur au ministère du Commerce (1995-2001), en charge notamment des négociations d'accession de l'Algérie à l'OMC. Directeur du site industriel de Biopharm (laboratoire pharmaceutique – 2004 à 2009). Conseiller économique du président du Forum des chefs d'entreprise (2009-2012). Il est l'auteur de L'économie algérienne à l'épreuve de l'OMC – Anep 2003.